Le Théâtre Forain de Jean Cocteau et Pierre Richy, dossier documentaire

1e partie : la genèse du Théâtre Forain à la lumière de la correspondance Cocteau-Richy et du Passé Défini

L’étude de la correspondance Cocteau-Richy et sa mise en relation avec le Passé défini ainsi qu’un entretien de Richy[1], nous a permis d’établir la chronologie du Théâtre forain, de l’idée initiale de Richy à la fin des représentations à La Tomate.

Pour mieux comprendre la première lettre du dossier, datée du 15 décembre 1959, il faut s’appuyer sur ce que dit Richy des origines du Théâtre forain :

En 1956-57, je me trouvais au Maroc, par le biais du ministère de la Jeunesse et des Sports, comme instructeur d’art dramatique. Parmi les troupes qui sont venues, il y a eu la troupe de Sacha Pitoëff, qui a donné Oncle Vania et L’Échange avec justement Claude Madelin et Alice Sapritch. C’est là que nous nous sommes connus, une amitié s’est liée entre Sacha Pitoëff et moi-même. À mon retour, Sacha me propose de lui donner un coup de main dans un spectacle qu’il créait à Paris au Théâtre des Noctambules, qui hélas, n’existe plus. Je faisais la régie et parmi les pièces au programme il y avait cette Épouse injustement soupçonnée que je ne connaissais pas et pour cause[2].

Je retourne au Maroc et j’ai cette idée de monter les trois pièces en question ; cette trilogie du soupçon de l’homme envers la femme et vice-versa, de l’incompatibilité, qui existe parfois entre les couples et que l’on retrouve dans les trois pièces. Elles avaient un côté souriant que Cocteau a toujours mis dans ce genre de pièces qu’il appelle mineures, pour moi c’est l’inverse.

Sacha Pitoëff me donne l’adresse de Jean Cocteau à Paris, rue de Montpensier. Je lui écris pour lui demander l’autorisation de monter les trois pièces.

Nous montons ce spectacle au Maroc avec l’accord de la société des auteurs mais sans réponse de Cocteau lui-même. Pas de réponse ce qui était tout à fait normal. Je sais qu’il habite 36, rue de Montpensier et je décide d’aller chez lui[3].

Devant l’absence de réponse de Cocteau à sa lettre du 15 décembre 1959, Richy décide de rencontrer le poète en personne et de lui exposer son projet de spectacle intitulé « Hommage amical à Jean Cocteau », composé de L’Épouse injustement soupçonnée, Le Pauvre Matelot et L’École des veuves au Théâtre Gramont (Paris).

Il fait le récit de cette rencontre avec Madeleine d’abord, fidèle gardienne, puis de Cocteau lui-même qui, malgré quelques réticences initiales, finit par se laisser convaincre.

Jean Cocteau se rasait, il arrive en robe de chambre. J’avais apporté un dossier avec des photos de ce spectacle du Maroc.

Je lui ai dit que j’aimerais le monter à Paris avec une troupe et le faire avec un groupe d’élèves. Et il me dit : « Je n’ai pas envie du tout que vous me fassiez quoi que ce soit. Ça ne va pas du tout, j’ai de plus en plus d’ennuis de tous côtés, ils me saoulent (à l’époque je ne voyais pas ce que c’était). J’ai plein d’ennuis avec mon opéra actuel[4] (c’est donc en 1960) et là ce n’est pas le moment. J’ai eu plein d’ennuis avec les critiques, on en aura encore. »

Il regarde les photos et au fur et à mesure il me dit « Tiens, ça s’est intéressant, pourquoi avez-vous mis ici un filet de pêcheur ? (c’était pour Le Pauvre Matelot) et comment avez-vous fait Le Pauvre Matelot non chanté puisque c’est un opéra de Darius Milhaud ? » Je lui ai dit : « Je disais les textes avec un certain rythme pour garder l’idée vocalement du chant. » « Ah : c’est intéressant, oui. Mais de toute façon, il n’en est pas question parce que je…, en ce moment il faut que je… et puis de toute façon… ». Il continue à tourner les pages. Il est accroché et me dit : « Je sens beaucoup de vérité, beaucoup de chaleur dans vos photos. Et puis après tout pourquoi pas, tant pis pour vous, vous verrez bien »[5].

Cocteau répond donc favorablement au projet de Richy et imagine même des masques pour L’Épouse injustement soupçonnée (mention le 25/01/60). Le 26 février 1960, Richy envoie des photos (non retrouvées) du spectacle et des masques-éventails. La démarche de Richy est ici de faire jouer ses élèves du Centre Exupéry à Reims. La troupe du Petit Théâtre parcourt les petites villes et se produit partout, « même dans des cafés », avec pour objectif la diffusion de la culture théâtrale. Toutefois, Richy n’oublie pas son projet parisien : il évoque des « soirées à Paris » composées des trois pièces mais également des « poêmes » du Théâtre de Poche. Au cours de ces premiers échanges, l’enthousiasme de Richy transparaît. En acceptant de l’accompagner sur ce projet, Cocteau prouve encore une fois son soutien aux petites troupes et à la jeunesse.

La correspondance ne reprend qu’en octobre 1960. Richy propose une trame complète avant une entrevue annoncée pour le 10 octobre 1960. Pour lier les numéros, il propose l’intervention d’un bateleur[6], dont le texte serait rédigé par Cocteau, et organise les numéros de la façon suivante :

  • Le Fils de l’air – Je l’ai perdue- Le Pauvre Matelot
  • « Courte danse annamite pendant que le Bateleur fait une autre liaison »
  • La Farce du château – L’Épouse injustement soupçonnée
  • Entracte
  • Intervention du Bateleur
  • Par la fenêtre – Le Menteur
  • « Court moment de danse gréco-égyptienne »
  • L’École des Veuves

La réaction de Cocteau est sans appel (lettre du 17/10/60), le motif du bateleur ne convient pas. Il propose à la place des saynètes entre une voyante extralucide (Madame Irène) et son manager (qui deviendra le Professeur Rufus). Il décline également l’appellation « Hommage à Jean Cocteau », refusant que Richy le fasse « mourir avant l’heure[7] ». En ce qui concerne le choix des textes, seule La Farce du château disparaît de la programmation proposée. Cocteau s’implique volontiers dans le projet, tout en assurant à Richy qu’il est libre de faire ce qu’il veut. Cependant, il confie à son journal de nombreux doutes, tant au niveau du recrutement, notamment d’Alice Sapritch (20/11/60) que de l’artistique : « Ils m’ont l’air de ne rien comprendre à mon style » (16/11/60). On comprend donc l’ampleur de ses interventions : plusieurs lettres contiennent des dessins et des corrections ; il propose un jeu de scène pour intégrer les spectateurs dans le contexte forain dès leur entrée (16/10/60) ; il intervient dans le recrutement et la direction d’acteurs ; il engage le couturier Castillo, de chez Lanvin, pour élaborer les costumes (18/12/60) ; il participe à la promotion du spectacle en concevant une affiche et en recevant les photographes du Figaro au Palais-Royal (7/12/60). Richy mentionne également plusieurs apports du poète, dont le titre :

C’est alors à ce moment-là qu’il trouve une nouvelle idée dont j’ai le texte ici : « Passez d’une pièce à l’autre avec des personnages qui forment une sorte de liaison de façon que ce soit un véritable spectacle ». […] Et il m’a dit : « Mais non puisque tu mets à cet endroit-là, par exemple Le Fils de l’air (qui est un des monologues), une personne qui sur le côté fait le funambule, à un autre endroit une femme égyptienne qui danse pour amener L’École des veuves, des personnages qui arrivaient demi-masqués, style commedia dell’arte, au début avec roulement de tambour, il faut appeler ça Théâtre forain. Et ce sera tout à fait dans la vérité et c’est moi qui te donne ce titre ». J’ai tout de suite accepté[8].

La répétition générale se déroule le 18 décembre 1960 et Cocteau adresse ses dernières corrections dans une lettre du 20 décembre. Le spectacle connaîtra six représentations dans deux lieux différents : le 24 et 25 décembre 1959 au Théâtre Municipal de Tunis, les 20, et 27 décembre 1960 et les 3 et 10 janvier 1961 au Théâtre de l’Alliance Française. Si le succès est au rendez-vous d’après le Passé défini, l’aventure tourne court dès le 15 janvier 1961. Cocteau est déçu de voir cette entreprise cesser si tôt et impute cela à la jeunesse et à l’insouciance de la troupe. Quand il comprend que Richy fait face à des difficultés de trésorerie, il fait en sorte d’aider à relancer le spectacle par le biais de l’organisateur de tournée Fernand Lumbroso et n’hésite pas à intervenir auprès de Romain Galant, directeur du Théâtre de La Tomate pour qu’il accueille le spectacle. Il conçoit une nouvelle affiche et s’attache à « rendre l’ensemble plus solide » en ajoutant un « prologue (une parade) avec des projections sur les artistes vêtus de draps pendant que [s]a voix enregistrée annonce le spectacle forain. » (9/03/61). Il procède également à plusieurs ajouts au niveau des textes de liaison. Richy confirme la volonté coctalienne de proposer un spectacle bien distinct de celui de l’Alliance Française :

C’est lui qui a en quelque sorte fait le Théâtre Forain de la Tomate. Et pour être sûr qu’il n’y ait pas confusion avec le spectacle d’avant, c’est à ce moment-là seulement que j’ai pris Jean Yanne – Alice Sapritch était déjà des nôtres – et qu’il a fait entendre ces roulements de tambour. Il est venu sur scène mais simplement en tant qu’interprète, et il a souhaité un batteur : « Comme ça nous resterons forains » et dans toutes ses lettres il dit toujours : « N’oublie pas, n’oublie pas de garder le côté forain »[9].

La nouvelle version du Théâtre Forain est créée à La Tomate le 23 mars 1961. Sans nouvelles, Cocteau craint le pire dans son journal, avant d’apprendre que le spectacle a été « éreinté par France-Soir ». Cet échec amène Cocteau à s’interroger sur les aléas de sa vie d’artiste et de créateur. Le 24 avril 1961, Romain Galant annonce l’arrêt des représentations et refuse de payer une partie du cachet des acteurs. Cocteau interviendra par l’intermédiaire de son avocate Me Suzanne Blum pour payer les acteurs. Cette mésaventure ne semble pas affecter l’amitié entre Cocteau et Richy dont la correspondance se poursuit, essentiellement pour l’échange de vœux de nouvelle année. À la mort du poète, Richy adressera d’ailleurs ses condoléances à Madeleine dans une lettre conservée à la BHVP.

Transcription de la correspondance et du Passé Défini

Pour faciliter la lecture, les différents documents ont été classés dans l’ordre chronologique. Les lettres de Cocteau adressées à Richy proviennent de la collection de Mme Françoise Richy ; celles de Richy à Cocteau sont conservées à la BHVP. Les passages du Passé Défini[10]sont reproduits en italiques, nous reprenons le texte de l’édition établie par Pierre Caizergues. Nos remarques relatives à l’état du manuscrit figurent en italiques et entre crochets.

1.     Lettre de Pierre Richy à Jean Cocteau du 15 décembre 1959

Pierre Richy/13 rue des Martyrs/Paris 9e
Paris le 15.12.59
À Monsieur Jean Cocteau de l’Académie Française/ 36 rue Montpensier/ Paris 1e

Très cher Maître,
Après un long silence cachant une gêne, mais plus encore une ténacité, je tiens à vous joindre maintenant pour m’expliquer auprès de vous, d’autant qu’aujourd’hui je suis si heureux, si satisfait de pouvoir vous écrire que les jeunes aiment votre Théâtre de Poche et qu’ils y sentent autant que moi la poésie qui s’en dégage.
Il y a plus d’un an, en effet, je vous ai contacté à plusieurs reprises pour un accord, pour des conseils concernant un « Hommage Amical à Jean Cocteau » ; avec un programme de 3 pièces en 1 acte L’Épouse injustement soupçonnée – Le Pauvre Matelot – L’École des veuves. J’étais alors au Théâtre Gramont[11] et je pensais offrir ces soirées les lundis de relâche. J’ai encore votre lettre manuscrite m’y autorisant. Bernard Évein[12] avait commencé d’excellentes maquettes
[Pas de verso, ni d’autre feuillet]

2.     Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 20 décembre 1959

20 décembre 1959
Mon cher Richy
Rendu comme « stupide » par les besognes de mon film[13] – je pars chercher mon équilibre – (au Cap Ferrat[14])
Je rentre le 12.
Venez me voir et nous parlerons de notre vieux projet
Heureux Noël
Jean Cocteau [signature à l’étoile]

3.     Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 25 janvier 1960 – le texte côtoie un dessin au feutre représentant un profil.

25 janvier 1960
Mon cher Richy
Les 3 masques[15] sont faits et je les crois bien faits (très théâtre). Faites les manches soit en raffia soit en corde tressée comme pour les raquettes de tennis. Ne vous effrayez pas d’une signification précise des masques. Comme en Chine, il n’y en a pas.
J’ai pensé que d’un côté gai d’un côté triste serait non-conventionnel
Vous pouvez passer les prendre.
[non signé]

4.     Lettre de Pierre Richy à Jean Cocteau du 26 février 1960 – dactylographie

Pierre RICHY/3 avenue RODIN/ Paris 16e
26.2.60
Très cher Maître,
Voici une série de photos de L’Épouse injustement soupçonnée avec le jeu des masques-éventails. Ainsi qu’un article sur les représentations. À la suite de l’enthousiasme des premiers spectacles, la jeune troupe du théâtre de Reims a redonné deux nouvelles séances les samedi et dimanche suivants. D’autre part ces jeunes comédiens vont maintenant se rendre à Châlons-sur-Marne[16], Fismes, Épernay, etc. et surtout dans des petits bourgs plus déshérités afin de représenter cette pièce (même dans des cafés, si besoin est) auprès d’un public ouvrier, travailleur dans les caves de champagne etc. Qu’en pensez-vous ?
Lors de mon passage à Blois, cette semaine, j’ai fait une soirée où j’ai présenté ces trois pièces (pour lesquelles mon affection est toujours grande) – Présentation lecture uniquement : École des veuves, Le Pauvre Matelot, L’Épouse, avec les « masques-éventails ».
Les jeunes artistes amateurs ont eu un certain mal à se servir de ces masques, au cours des dernières répétitions – cependant il faut bien reconnaître que le résultat est probant, excellent et multiplie par 100 l’effet artistique sur le public. MERCI encore, mille et mille fois, très cher maître, pour cette « idée » merveilleuse, et sa réalisation. Croyez bien que maintenant les obstacles les plus forts auront du mal à me contraindre à abandonner l’idée de ces Soirées à Paris, au cours desquelles les trois pièces en 1 Acte, et les Poêmes du Théâtre de Poche seront proposés. Je vous en parlerai avec encore plus d’enthousiasme vers le 5 ou 6 mars. Je me permettrai de vous demander un petit mot d’encouragement pour cette jeune troupe de Reims[17] afin qu’elle continue dans cette voie où la difficulté est preuve de recherche dans le beau, le vrai, la poésie. Merci à l’avance pour eux.
À très bientôt, Très cher Maître,
[Signature manuscrite, stylo bleu]

5.     Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 13 mars 1960

13 mars 1960
Mon cher Richy
Je rentre des neiges et trouve les vôtres très belles et très pures. Les images me prouvent qu’il y avait dans votre spectacle beaucoup d’amour et de vérité.
Je vous embrasse
Saluts chinois à tous
Jean Cocteau [signature à l’étoile]

6.     Lettre dactylographiée de Jean Cocteau au Petit Théâtre du 27 mars 1960 – [Cocteau répond ici favorablement à la demande de Pierre Richy dans sa lettre du 13 mars.]

[Mention manuscrite en haut] – REIMS-
27 mars 1960
Milly la Forêt
Mes très chers amis,
Je ne vous ai pas assez répété combien j’étais fier de votre spectacle[18], ou du moins des photographies qui me font regretter de l’avoir pas vu… Il y a dans chacune d’elle toute la grâce exquise que je cherche sans la trouver dans les grandes entreprises. Et l’emploi des masques- éventails, me donne l’illusion d’être parmi vous et de vous aider. Et, cette illusion, je l’adore.
Je vous embrasse tous paternellement et fraternellement.
Jean Cocteau

7.     Mention dans Le Passé défini, tome VII– 27 mars 1960, p.66

« Les élèves du Centre Saint-Exupéry ont représenté L’Épouse injustement soupçonnée avec des moyens de fortune. Je leur avais composé les éventails dont les acteurs usent comme d’un masque lorsqu’ils se taisent. Je n’en ai vu que les photographies. Je les trouve très émouvantes. J’en mets plusieurs dans ce cahier. »

8.     Lettre de Pierre Richy à Jean Cocteau du 4 octobre 1960

Soissons le 4.10.60
Très cher Maître,
Je vous confirme mon passage vers midi lundi prochain 10 octobre.
Je pense continuellement au découpage du Théâtre Forain, avec les liaisons du Bateleur qui prépareront les monologues suivants : Le Fils de l’airJe l’ai perdue – enchaînement avec la pièce Le Pauvre Matelot, puis sur une courte danse annamite pendant le changement de décor, le Bateleur fait une autre liaison – puis texte La Farce du château – puis le petit chef d’œuvre de poésie L’Épouse injustement soupçonnée – Entracte.
Tandis que le Bateleur présente la 3e pièce, et que le décor apparaît par « à coups » – les monologues Par la fenêtre et Le Menteur sont dits – courts mouvement de danse gréco-égyptienne et L’École des Veuves, très enlevée, qui termine avec joie la soirée.
Je pense donc vous découper très exactement le déroulement de cette soirée de Théâtre Forain lundi prochain 10 octobre vers midi.
J’aimerais vos critiques et serais désireux que les liaisons du Bateleur soient écrites par vous-même. Je sais que vous le ferez. Je suis maintenant entièrement convaincu de l’intérêt d’une telle soirée. Toute la troupe est emballée, enflammée, décidée et cette foi qui nous anime tous est pour moi la meilleure garantie.
Je vous remercie de votre confiance. Vous ne serez pas trahi, mais aimé, joué, vécu avec tout l’amour d’une troupe jeune et enthousiaste.
À très bientôt, cher maître, à lundi.
Croyez à mon très respectueux dévouement.
[Signature]
Pierre RICHY/ 3 avenue Rodin/Paris 16e
PS : générale retenue pour le 20 décembre – allons peut-être jouer ce spectacle à Liège en janvier 61

9.     Mention dans Le Passé défini, tome VII, 16 octobre, Milly, p. 221

« Visite de [Pierre] Richy, lequel organise le spectacle du théâtre de poche. Je lui ai donné l’idée de faire s’habiller et se maquiller les artistes dans le vestibule du théâtre, que le public les traverse pour entrer dans la salle comme un campement de romanichels. »

10.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 17 octobre 1960

17 octobre 1960
Cher Richy
Im
po
ssible [encadré au stylo]
Ce n’est pas mon style – et le mot « ambiance » est un mot atroce que je n’emploie jamais.
Peut-être faudra-t-il une voyante lucide et un monsieur dans la salle qui la fait répondre.
Mais ce que vous me suggérez est impossible et en outre, littéraire, ce qui ruinerait toutes mes attitudes.
Il faut brûler tout cela et ne pas « raconter ». Je n’accepterai votre spectacle que s’il n’y a que mes textes. On finira par ne rien faire de ce texte-là.
Jean [signature à l’étoile]

11.  Mention dans Le Passé défini, tome VII, Mercredi 9 novembre 1960 [à Genève], p. 249

« [Pierre] Richy est venu avec sa bande. Je vais essayer d’écrire les dialogues de l’extralucide et de son manager destinés à faire la liaison entre les pièces. »

12.  Mention dans Le Passé défini, tome VII, Dimanche 13 novembre 1960, Milly, p. 250-251

« Il va falloir essayer de mettre debout cette voyante du spectacle des gosses. Je me demande si je n’ai pas été fou d’accepter ce spectacle. D’après les indications par lettre de R.[ichy], ils m’ont l’air de ne rien comprendre à mon style. […]
Au reste tous ces projets me fatiguent. J’ai à peine le courage de répondre aux offres et je médite de ne pas me rendre à Nancy.
Ce dimanche, j’ai fait les textes de la voyante, mais ces gosses ont été trop vite. Il fallait pour ce rôle la femme de Steve [Passeur] ou Jakie Iskandar qui aurait été admirable. »

13.  Mention dans le Passé défini, tome VII, Dimanche 20 novembre 1960, p. 252

« Madame Guillaume H[anoteau] prend l’affaire tellement au sérieux qu’elle s’y roule, s’y drape me déclarant qu’elle en voit toute l’équipe de Match changer d’attitude vis-à-vis d’elle, son mari en tête. « Jean Cocteau m’écrit un rôle », voilà, je le devine, comment elle présente les choses. En réalité comme les gosses l’ont engagée un peu à la légère, je m’arrange pour limiter les risques, en la poussant jusqu’au bout de son personnage. En extralucide et si Chanel l’habille (style perle) je peux la rendre assez étrange. Elle récite, par subterfuge et dans le style forain Le Fils de l’air et Le Fantôme de Marseille. […]
Hier, par exemple, j’ai montré à Madame Sapritch (femme de Guillaume Hanoteau) comment j’envisageais son rôle d’extralucide, dans le spectacle des pièces foraines montées par les gosses au théâtre du Centre d’études. »

14.  Mention dans le Passé défini, tome VII, du Mercredi 7 décembre, Palais Royal, p. 267

« La jeune Japonaise[19] (c’est la vedette japonaise la plus célèbre) est venue au Palais-Royal mettre son costume pour les photographes du Figaro. J’ai un peu dissimulé ma pauvre joue derrière sa chevelure et son épaule exquise. C’est la première fois qu’elle paraît sur une scène de théâtre (dans le rôle de Dame Vu – L’Épouse injustement soupçonnée). Il est drôle qu’une Japonaise interprète un rôle d’Annamite, mais hélas et par chance le public n’y regarde pas de si près et je pensais à Misia Sert demandant au fils du Mikado à la droite duquel on l’avait assise à table « Quand retournez-vous en Chine ? » Et comme il rectifiait : « Au Japon. » « Oh ! vous savez, dit-elle, avec un geste vague… la Chine… le Japon… » C’est à peu près le degré de culture de notre public de 1960. »

15.  Mention dans le Passé défini, tome VII, Dimanche 18 décembre, Milly, p. 274

« Répétition des gosses. Pas assez de travail et pas assez de recherche. Aussi cette crainte absurde « d’en faire trop », alors « qu’en faire trop » est exactement le style du théâtre forain. Cette nuit, je vais rentrer à Paris et changer quelques costumes et quelques détails de mise en scène. Le spectacle pouvait être très joli. […]
Et voici que le cahier se termine sur le départ en Caravelle pour le cap, le 19 décembre. J’arrive de l’espèce de cave, rue Corneille, où la petite troupe m’attendait avec les étoffes. J’ai enlevé Castillo[20] qui dînait chez Francine afin qu’il drape et couse, comme à la grande époque. Maintenant chacun sait dans quel sens il doit se donner du mal et se mettre à son avantage. »

16.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy, accompagnée d’un petit croquis de la boîte de verre mentionnée dans le texte.

[Cette lettre recto verso n’est pas datée mais la mention du couturier Castillo nous permet de la rapprocher de la mention précédente, en date du 19 décembre 1960.]
Cher Ami
Je suis heureux d’avoir parlé avec Madame Passeur – et j’aimerais beaucoup qu’elle emmène notre belle-sœur chez Castillo pour qu’il l’habille avec élégance. Notre ami [Dreyfus lecture hypothétique] m’a demandé qu’on le prévienne au marché St Pierre. Il vous procurera les étoffes pour Castillo.
N’oubliez pas de mettre une boîte de verre sur la figure de la momie. Il est indispensable de trouver un truc pour Pauline Carton dans Le Fils de l’air.
Par exemple : la voyante reste silencieuse et semble dormir. C’est alors que le professeur Rufus endort une spectatrice : Pauline Carton, la fait, endormie, monter sur la scène et déclare qu’elle va travailler à la place de Madame Irène (à mettre très au point).
Il est également indispensable de prendre Maurice[21] pour dire le monologue où il est inimitable. Le garçon[22] que je vous ai envoyé serait un garde admirable dans le style Belmondo.
Votre Jean Cocteau [signature à l’étoile]

17.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 20 décembre 1960

[Lettre recto verso contenant plusieurs dessins.]
20 décembre 1960
[en-tête dactylographié « SANTO – SOSPIR »
St JEAN CAP FERRAT
251-28]
Bien cher ami
Il serait amusant, lorsque madame Irène récite Le Fils de l’air – de s’arrêter après le vers En vain la mère folle alerte la police et de porter une main à ses yeux bandés comme si elle oubliait la rime suivante (comme si elle était perdue dans le vague)
C’est alors que le jeune homme qui tirait les papiers du chapeau lance (très fort) de son fauteuil la rime : malice !
Et après un « merci jeune homme ! » à Rufus.
Madame Irène se remettrait en marche.
Je regrette que mes insupportables besognes et visites chez le dentiste m’aient empêché de fignoler ainsi nos numéros mais Madame Hanoteau[23] est assez adroite pour ajouter ce petit détail. Fais-le lui rajouter pour Paris
Tout cœur
Jean Cocteau
Trouve un étudiant qui a du culot et qui ne parle pas dans ses bottes comme notre décorateur. Dis-lui bien aussi de reprendre la dame égyptienne du décor. Il devrait lui donner un style plus naïf, plus forain et lui ôter ce « chic » de journal de mode.
Ne perdez jamais de vue ni les uns ni les autres le style de foire. Tuez encore cette idée « réaliste » et sage. La peur d’en « faire trop » est toujours détestable.
Ne te trouble jamais lorsque je critique et corrige. Si je n’aimais pas le spectacle je ne me donnerais pas la peine de le faire.
Je t’embrasse
Jean [signature à l’étoile]
[à propos du croquis d’égyptienne] Pas cela bien-sûr mais ce genre de dessin coloré afin d’éviter le style Domergue[24]. En outre il importe de mettre en boîte la veuve (par exemple à papillons) sur la figure du mari sarcophage.

18.  Mention dans Le Passé défini, tome VII, jeudi 5 janvier 1961, p. 298-299.

« Les gosses ont l’air enchantés du succès de leur spectacle, mais d’un mardi à l’autre, il leur sera difficile de progresser de prendre feu. C’est dommage. J’espère pour eux qu’ils trouveront un théâtre qui les invite. […]
Téléphone de Richy et de Levasseur. Le spectacle a remporté un grand succès. »

19.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 15 janvier 1961

Dimanche 15 janvier 1961
Très cher ami
Mon silence vient de nombreuses besognes qui m’empêchent d’écrire mais mon cœur est auprès de toi et de vous tous. Madame Hanoteau m’a raconté vos chances et vos malchances[25]. Si la feuille ci-jointe peut -aider – je m’en félicite – Seulement j’estime que le talent, le courage et la bonne foi trouvent toujours leur récompense.
Je t’embrasse
Jean Cocteau [signature à l’étoile]

20.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 25 janvier 1961

[En-tête de la Villa Santo-Sospir]
Mon cher ami
Madame Weisweiller[26], enchantée du spectacle, se demande, comme moi, par quelle imprudence vous avez risqué de ne pouvoir soutenir ce succès. Tu devrais te mettre entre des mains qui savent. Lumbroso t’arrangerait tout de suite une grande tournée. Te rends-tu compte qu’il est impardonnable de ne pas pouvoir faire face à une réussite et je n’aurais jamais pu croire que vous vous engagiez, avec mon nom, à la légère.
Je te supplie de ne pas gâcher la chose et de voir soit Lumbroso[27], soit Popesco[28] qui me supplie de faire quelque spectacle avec elle et qui organise des tournées. Je crains que ton copain ne sache pas se débrouiller et ne connaisse aucune des personnes utiles. Tâche de te mettre sous une protection efficace. J’écrirai à qui tu veux.
À toi, Jean [signature à l’étoile]
PS : Même au Japon vous auriez eu [mot illisible] un succès fou.

21.  Télégramme envoyé par la troupe du théâtre Forain _ cachet du 21 janvier 1961- St Jean Cap Ferrat Alpes Maritimes

LES COMÉDIENS TRÈS TOUCHÉS VOUS REMERCIENT VIVEMENT NOUS VOUS EMBRASSONS TOUS = THÉÂTRE FORAIN =

22.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 1er février 1961

[En-tête de la villa Santo Sospir]
1er Fév. 1961
Cher Richy
Vous êtes tous trop susceptibles. Si tu savais ce que je reçois sur la gueule chaque jour tu tomberais à la renverse.
Tu t’es complètement trompé sur le sens de ma lettre. Les reproches ne visaient que moi et que ta charmante réserve. Si j’avais su que l’affaire n’envisageait pas de suites, je t’aurais trouvé le moyen d’en avoir. Ne prends pour toi que les éloges et les regrets qu’un si beau spectacle ne puisse pas vivre alors que vivent tant de spectacles absurdes,
Je t’embrasse et te remercie encore de tout mon cœur
Jean Cocteau [signature à l’étoile]
Je vais encore t’envoyer du fric pour alléger ta dette

23.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 6 février 1961

[En-tête de la villa Santo Sospir]
Cher Richy,
J’ai été saigné aux 4 veines par un cortège de copains malheureux et d’actrices que la chance abandonne (entre autres ma pauvre Génica Athanasiou[29] qui fut l’admirable créatrice de mon Antigone).
On me croit riche et je n’ai pas le sou. Accepte donc une aide modeste. Puisse-t-elle t’alléger un peu. Je tâcherai de t’envoyer plus la prochaine fois. Et je t’embrasse de tout cœur.
Jean Cocteau [signature à l’étoile]
PS : Donne-moi des nouvelle de Claire Duhamel[30]. Je lui ai fait expédier des roses. Les a-t-elle reçues ?

24.  Lettre de Pierre Richy à Jean Cocteau du 11 février 1961

Samedi 11.2.61
Très cher Maître
Vous devez me haïr de n’avoir pas répondu de suite à votre si affectueuse lettre et de ne pas vous avoir dit un grand merci pour votre geste si émouvant.
Pardonnez-moi, je vous en prie, Lumbroso s’occupe de nous pour une tournée. Je vais vous écrire plus longuement ces jours-ci. Je crois savoir que vous serez Parisien vers le 15 février et ne manquerai pas de vous joindre Mr° Watteaux (L’administration de Lumbroso) tient à vous voir avec moi à ce sujet.
Mille, Mille et Mille mercis encore pour votre si merveilleuse amitié qui me touche à un point inimaginable.
À très, très bientôt
Respectueusement votre dévoué
[Signature manuscrite]
P. Richy 366 rue de Vaugirard Paris XV

25.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 18 février 1961 [mentionné dans la Gazette Drouot, mai 2023]

Cette lettre concerne le directeur de la Tomate : Cocteau joue le rôle de médiateur avec le directeur de la Tomate, avec beaucoup d’intelligence « J’ai vu hier le directeur de la Tomate qui me semble connaitre très bien son théâtre et ce genre de public. Il va de soi que tu restes le vrai instigateur et metteur en scène de notre spectacle. »

26.  Mention dans le Passé défini, tome VII, samedi 25 février 1961, p. 346

« Fait la maquette de l’affiche du théâtre forain pour La Tomate[31]. »

27.  Mention dans le Passé défini, tome VII , jeudi 9 mars 1961, p. 351

« Visite à La Tomate. On cherche à rendre l’ensemble plus solide. J’ajoute un prologue[32] (une parade) avec des projections sur les artistes vêtus de draps pendant que ma voix enregistrée annonce le spectacle forain. »

28.  Mention dans le Passé défini, tome VII, Mardi 14 mars 1961, p. 352-353.

« Brouille avec le seul véritable os[33] de notre spectacle. Je le remplace et j’engage [André] Maurice pour le monologue. […]
Je me propose de continuer ce journal en insistant moins sur les détails, ce qui en rendra un jour la publication moins lourde et moins confuse. Le spectacle forain de La Tomate doit être envisagé comme un événement d’anti-intellectualisme.
[…] Le spectacle de La Tomate (pour lequel j’ai enregistré le prologue forain), le film Clèves et le prix des Cinq se passeront de ma présence. Je n’ai fait que trop de radios et de télévisions. Une grande zone de silence est indispensable. »

29.  Mention dans le Passé défini, tome VII, jeudi 23 mars 1961, p. 355-356

La Tomate m’a l’air de ne pas trop mal se présenter, sauf que Madame Passeur sait mal son rôle et s’occupe davantage, paraît-il, de sa robe que de son jeu. En outre, Pauline Carton, prise de trac, a refusé de dire Le Fils de l’air, ce qui dérange l’équilibre du spectacle. J’ai dû téléphoner un texte de liaison pour Rufus entre Lis ton journal et L’Épouse.
[…] Hier je me suis demandé s’il n’était pas imprudent et bête de laisser La Tomate produire un spectacle aussi léger, dans le sens péjoratif du terme. En outre, même léger, un spectacle exige d’être au point comme l’impromptu de la Michodière. Or notre spectacle est fort loin de l’être. Et puis, après tout, je me suis dit que les jeux étaient faits, que je n’ai plus rien à gagner ni à perdre et que cette imprudence représentait une gentillesse, un laisser-aller plutôt sympathiques (qui seraient sympathiques dans une époque moins prétentieuse et moins féroce). Mais ma méthode « Comme si » me conseille de faire comme si notre époque était ce que je voudrais qu’elle fût. Myope et sourde oreille, voilà mon programme. Peut-être reste-t-il assez de personnes libres pour démentir mes craintes. »

30.  Mention dans le Passé défini, tome VII, samedi 25 mars 1961, p. 358.

« Pas de nouvelles de La Tomate, ce qui me fait craindre de mauvaises nouvelles. Cette nuit Édouard a entendu des éloges à la radio, avec une assez grosse réserve pour [André] Maurice dans le monologue du Menteur. Il est vrai que j’ai toujours trouvé que ce monologue sortait du cadre, alors que Le Fantôme de Marseille s’y intègre. Rien n’est plus difficile que la désinvolture et l’air d’amateurisme que ce genre d’artistes ne possède aucun sens de la rigueur. Hélas, ce genre d’artistes ne possède aucun sens de la rigueur. Seul Maurice, mais je ne le connais que sous forme vocale et employant une manière de dire très surprenante. Peut-être n’est-il pas assez souple pour passer de La Crucifixion au Menteur. »

31.  Mention dans le Passé défini, tome VII, Vendredi 31 mars. Vendredi saint, p. 362-363

« Aucune nouvelle de La Tomate. Sans doute est-ce une catastrophe par la faute de Richy, et n’osent-ils pas me le dire. Peut-être même ont-ils interrompu le spectacle. C’est la dernière fois que je me laisse compromettre par simple gentillesse. Ils avaient dépensé beaucoup d’argent (pour eux) à l’Alliance [française] et je ne voulais pas les laisser dans le pétrin. Mauvais calcul. Galant[34] doit faire une drôle de tête.
[…] Terrible crise de dégoût. Richy : spectacle éreinté par France-Soir, Giovanni : erreur dans Le Monde et la Vie, rejetant fin article en fausse page. Le diable s’en mêle. Amen. »

32.  Mention dans le Passé défini, tome VII, mercredi 5 avril 1961, p. 367-368

« Méthode comme si.
Comme si La Tomate remportait un triomphe ou comme si ce spectacle ne se donnait pas. Comme si on m’aimait bien. Comme si les acteurs progressaient et finissaient par vaincre. Etc.
C’est cette faculté que je possède d’annuler ce que je n’ai pas sous les yeux qui me rend incompréhensible aux gens attentifs aux moindres détails de leur destin. […]
Il me revient ici que La Princesse de Clèves remporte un succès considérable et que cela met en balance l’insuccès de La Tomate. Car les avantages de ma situation bizarre me permettent un insuccès qui console mes adversaires d’un succès qui m’arrive ailleurs et le leur rend supportable. En outre la perspective d’une belle tournée de L’Aigle et la solide réussite de Cher Menteur me permettront de vivre malgré le fisc, lequel dévore presque tout ce que je gagne. »

33.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 22 avril 1961

22 avril 1961
Casa Ana de Bismarck[35]
Marbella
Andalousie
Mon très cher Richy
Je suis heureux de la bonne lettre et sauf ma « gaffe Passeur [36]» je pense qu’à la longue la vie organique du spectacle prendra des forces. Je t’en ai une profonde gratitude – car je craignais de t’avoir indirectement entraîné dans une aventure. Pauline est-elle revenue ? Son absence creusait un vide terrible et que la veuve ne comble pas. Que faire ? Il est possible (car c’est mon rythme habituel) que peu à peu la chance tourne comme pour « l’aigle » Embrasse tout le monde et dis-leur que chaque soir je pense à eux et prie pour eux (à ma manière).
Bref, après Las Palmas qui est à l’inverse de ce qu’on en raconte et Séville trop humide, Francine se porte mieux, bien qu’elle tousse encore. Marbella ressemble pas mal au Paradis Terrestre et le seul casque à pointe du domaine Bismarck est que je me languis loin de vous.
Mille amitiés à Galant et à la troupe. Je t’embrasse
Jean Cocteau [signature à l’étoile]

34.  Mention dans le Passé défini, tome VII, lundi 24 avril 1961, p. 392

« Galant me télégraphie qu’il arrête La Tomate. Il ne peut plus payer les acteurs. Il avait écrit à Francine pour commanditer le spectacle. Je m’y oppose. Je me fous de tout, sauf de l’essentiel qui est invisible. Ce spectacle n’appartient pas à ma mythologie. »

35.  Mention dans le Passé défini, tome VII, nuit du 10 mai 1961, p. 408-409

« Je ne peux admettre que Galant (le directeur de La Tomate) laisse nos acteurs impayés. Je m’en charge par l’entremise de Suzanne Blum, car je n’ai aucune confiance et je redoute qu’il n’empoche les trois mille huit cent soixante nouveaux francs. Il est ridicule qu’on m’oblige à cette dépense, mais Galant me connaît et il en profite. Il prétendait, en outre, taper Francine et se faire rembourser par elle les sommes de la publicité (nulle). Je suis entré dans son piège parce que je ne voulais pas laisser Richy en panne après la réussite de l’Alliance Française, et j’y suis entré malgré mon déplaisir de voir ces petites pièces me représenter au lieu de mes grandes pièces.
[…] J’ai prié maître Blum de distribuer aux artistes de La Tomate les trois mille six cent soixante-dix nouveaux francs que me réclame M. Galant. Je ne veux pas que la troupe souffre de ses sottises et qu’il mette cet argent dans sa poche. »

36.  Lettre de Jean Cocteau à Pierre Richy du 19 septembre 1961

19 septembre 1961                                                           
Marbella
Cher Richy
Je rentre – ne fais rien avant de me voir – ces entreprises sont dangereuses et risquent d’entraîner Rankovitch[37] dans des difficultés de distinction comme pour la Chapelle de Milly[38].
Ce milieu de la foire d’empoigne n’aime pas que je vive en marge d’elle et n’osant s’attaquer directement à moi ne se gêne plus lorsque je m’exprime par l’entremise des autres.
Je t’embrasse
Jean [signature à l’étoile]

37.  Lettre de Pierre Richy à Jean Cocteau du 8 janvier 1962

Très cher Maître
Que cette année vous soit Heureuse et Douce. Que vos succès continuent. Que vos désirs personnels soient écoutés et réalisés et même comblés. Que votre amitié qui m’est si chère subsiste. Tout cela en 1962.
Avec les sentiments les plus profonds d’amitié, de respect de votre
[Signature manuscrite]
P. RICHY – 366 rue de Vaugirard Paris 15.

2e partie : Le Théâtre forain, composition et textes de liaisons

Le Théâtre forain est indissociable du Théâtre de Poche de Jean Cocteau, paru en 1949 aux éditions Paul Morihien puis réédité en 1955 aux Éditions du Rocher. Cet ouvrage se compose de textes courts destinés à la scène, des textes prétextes souvent destinés à mettre en avant un acteur ou une actrice. L’anthologie contient les titres suivants : Parade, Le Bœuf sur le toit, Le Pauvre matelot, L’École des veuves, Le Bel Indifférent, Le Fantôme de Marseille, Anna la Bonne, La Dame de Monte-Carlo, Le Fils de l’air, Le Menteur, Par la fenêtre, Je l’ai perdue, Lis ton journal, La Farce du château. Une nouvelle édition intitulée Le Nouveau Théâtre de Poche paraît aux Éditions du Rocher en 1960 et intègre L’Épouse injustement soupçonnée. Le projet du Théâtre forain est le suivant : plutôt que jouer chaque élément de manière séparée, en première partie d’une autre pièce, il s’agit d’articuler plusieurs numéros par l’entremise d’un ensemble de saynètes. Devant l’hétérogénéité des formats[39] et des thèmes abordés, Cocteau recourt à l’univers forain et au personnage d’une extralucide, capable de voyager dans le temps et les esprits. Ne seront pas retenus pour le spectacle : Parade, Le Bœuf sur le toit, Le Bel Indifférent, Anna la Bonne, La Dame de Monte-Carlo et La Farce du château.

En analysant les différentes archives de Pierre Richy et notamment les programmes, il s’est avéré que les représentations données au théâtre de l’Alliance Française (déc. 1960-janvier 1961) diffèrent du spectacle donné à La Tomate (mars-avril 1961). Le tableau ci-après permet de comparer les deux programmes ainsi que la version dactylographiée des textes de liaison qui atteste d’une évolution entre l’ordre établi pour La Tomate et celui effectivement représenté.

   
PROGRAMME DU THÉÂTRE DE L’ALLIANCE FRANCAISE
Déc. 1960 – Janv. 1961
  PROGRAMME DU THÉÂTRE DE LA TOMATE
Mars-Avril 1961
  SPECTACLES MENTIONNÉS DANS LA VERSION DACTYLOGRAPHIÉE DES TEXTES DE LIAISON
   Parade– la voix de Jean Cocteau et ses dessins  Non mentionné
  Forains, professeur Rufus – Madame Irène- voyante, Un Monsieur, son épouse  Voyante extra-lucide
– Mme Irène – Alice Sapritch – Professeur Rufus – Jean Yanne
  Voyante extra-lucide et professeur Rufus
LE PAUVRE MATELOT
Anne Perez, Yvan Dominique, Maurice Cimber, Jean Berger
 LE MENTEUR
André Maurice
  [rajout au stylo permettant d’insérer un monologuedéplacement du Menteur]
  JE L’AI PERDUE
Yvan Dominique
L’ÉCOLE DES VEUVES
Pauline Carton, Renée S. Passeur, Michel Beaune, Giselle Touret
  L’ÉCOLE DES VEUVES
  L’ÉPOUSE INJUSTEMENT SOUPÇONNÉE
Guy Touraille, Maurice Cimber, Keiko Kishi, Michel Danjour, Ivan Dominique, Jean Berger, Benjamin Boda
  PAR LA FENÊTRE André Maurice  LE MENTEUR [dans le texte, le Professeur Rufus incite un jeune homme à dire son monologue. Avec le déplacement du monologue du Menteur, il est possible d’intégrer ici Par la fenêtre]
  LE FANTÔME DE MARSEILLE
Alice Sapritch
  LE PAUVRE MATELOT
Giselle Touret, Michel Beaune, Maurice Cimber, Jean-Loup Reynold
  LE PAUVRE MATELOT
  LE MENTEUR
Jean Berger
  LE FANTÔME DE MARSEILLE
Alice Sapritch, (Jean Yanne)
  LE FANTÔME DE MARSEILLE
   LIS TON JOURNAL
André Maurice, Giselle Touret
  LIS TON JOURNAL
   LE FILS DE L’AIR
Pauline Carton
LE FILS DE L’AIR
Pauline Carton
   L’ÉPOUSE INJUSTEMENT SOUPÇONNÉE
Guy Touraille, Alain Dumoulin, Maurice Cimber, Thien Huong, Michel Beaune, Jean-Loup Reynold, Claude Horbeck, Benjamin Boda
  L’ÉPOUSE INJUSTEMENT SOUPÇONNÉE
 Final par toute la troupe et la voix de Jean CocteauFinal par toute la troupe et mention d’un enregistrement

En comparant les deux programmes, on constate de nombreuses différences tant du point de vue de la composition que de l’investissement coctalien. On note tout d’abord que les pièces principales sont reprises : Le Pauvre Matelot, L’Épouse injustement soupçonnée, Le Fantôme de Marseille, le Menteur. Toutefois, la pièce L’École des Veuves est ajoutée. Si le monologue Je l’ai perdue n’est pas repris dans la version de La Tomate, on note une réelle volonté d’exploiter toute une palette de formats courts avec l’ajout de Par la fenêtre, Lis ton journal et Le Fils de l’air. Il importe également de s’interroger sur le terme « Parade » au début du programme de La Tomate. En effet, si la mise en page nous invite à penser qu’il s’agit de l’argument chorégraphique (présent dans Le Théâtre de Poche), nos recherches nous ont permis d’établir que le terme désigne le prologue enregistré, dont Cocteau fait mention dans son journal et que nous reproduisons ci-après.

Visite à La Tomate. On cherche à rendre l’ensemble plus solide. J’ajoute un prologue (une parade) avec des projections sur les artistes vêtus de draps pendant que ma voix enregistrée annonce le spectacle forain.

Si la version de La Tomate est plus étoffée, ce n’est pas seulement en raison du nombre de numéros. En effet, Cocteau s’invite au seuil du spectacle et c’est lui qui donne le mot de la fin. Ne pouvant être présent à chaque représentation et dans un souci de pérennité, il enregistre le prologue et la courte conclusion sur bande magnétique. À travers cette voix, qui n’est pas sans rappeler la radio du film Orphée, c’est l’œuvre passée qui se rappelle au bon souvenir des spectateurs. Mais c’est également une façon de rappeler que son auteur est encore bel et bien présent. Fidèle à ses principes, Cocteau se place aux côtés de la jeunesse, il aspire à la guider et à lui montrer l’exemple. Pour autant, il ne semble pas prêt à leur abandonner complètement son œuvre. Par l’intermédiaire de sa voix, il s’immisce à la charnière de celle-ci pour en conserver la maîtrise. Il ne s’agit plus de proposer un texte d’introduction, comme « Avec tambour et trompette » figurant dans le programme du Théâtre de l’Alliance Française, mais d’intégrer véritablement le spectacle.

Afin de mettre en avant les diverses contributions et interventions coctaliennes, nous avons choisi de respecter l’ordre du spectacle et de reproduire ci-après les textes de présentation édités dans les deux programmes, le prologue enregistré et enfin les textes de liaison.

1.     Les textes introducteurs

Nous reproduisons ici deux types de textes introducteurs. Nous avons d’abord transcrit les textes de Cocteau et de Richy qui figuraient dans les programmes du Théâtre de l’Alliance Française et de La Tomate. Puis nous éditons le texte inédit du prologue enregistré par Cocteau pour les spectacles donnés à La Tomate, en nous appuyant sur le manuscrit et l’enregistrement.

a.      Texte de présentation dans le programme du spectacle donné au Théâtre de l’Alliance Française par Cocteau

Dans ce texte, Cocteau rappelle le contexte de chacun des numéros du spectacle. C’est l’occasion pour lui de rappeler quelques moments marquants de sa vie : l’épisode Radiguet ainsi que les diverses collaborations artistiques. Toutefois, l’amorce du texte est également l’occasion pour le poète de convoquer plusieurs facettes de sa posture médiatique : il est un poète mal compris qui fait face à l’adversité des écoles et des dogmes, tout comme les jeunes créateurs qu’il s’attache à défendre et à guider.

Avec Tambour et Trompette ***
Peut-être ceux qui veulent me faire prendre pour un illusionniste, ou dresser un mur entre le public et moi, ou m’accuser de fraude, sont-ils à l’origine de cette amitié de la jeunesse étudiante, amitié que je rencontre où que j’aille et qui me réchauffe le cœur.

Car la jeunesse est frondeuse et se laisse fort peu convaincre. En outre chaque jeune est une solitude.

Sans doute ces solitudes innombrables reconnaissent-elles en moi un compatriote d’île déserte, une autre solitude aux ordres de forces mystérieuses qui la dirigent et dont le sacerdoce ne relève d’aucun dogme officiel, ne prend appui sur aucun groupe social.

Les petites pièces qui composent le spectacle que vous allez voir ne prétendent qu’à distraire cette jeunesse, et la troupe qui les monte ne se recommande d’aucune école, ni d’aucune audace.

Il y a presque trente ans, à Piquey, au bord du bassin d’Arcachon où je passais mes vacances avec Raymond Radiguet et Georges Auric, nous eûmes l’idée d’un spectacle de style forain sans la moindre prétention : spectacle qui grouperait plusieurs pièces courtes vite écrites.
***
La première, une complainte d’après la célèbre ballade anglaise dont s’inspire aussi L’Étranger d’Albert Camus (Darius Milhaud devait la mettre en musique et l’œuvre existe). La seconde, Mo Jabouille, vice-consul d’Annam, un voisin de chambre dans notre hôtel de planches (l’Hôtel Chantecler), nous en confia l’interminable texte original. La troisième, L’École des Veuves (Matrone d’Ephèse), écrite beaucoup plus tard pour Mlle Arletty, qui la créa au Théâtre de l’ABC, pendant que je faisais le tour du monde de Jules Verne, sur les traces de Phileas Fogg.

Pour faciliter la tâche de notre jeune troupe, je nouai les actes ensemble par l’entremise d’une « extra-lucide », « Madame Irène », que présente le professeur Rufus.

L’ensemble de ce modeste théâtre de poche ne vient pas à la cheville des merveilleuses pièces courtes de Strindberg ou de Ionesco, et, je le répète, n’est qu’un prétexte à mise en scène. Les dialogues n’existant que par le talent des comédiens qui les interprètent.

Je n’ai pas craint d’autoriser cette entreprise parce que je trouve qu’il est indispensable de faire confiance à l’enthousiasme de la jeunesse.

Salut, Amis… Suivez le Guide…
JEAN COCTEAU

b.      Texte de présentation dans le programme du spectacle donné au Théâtre de l’Alliance Française par Richy

Du Théâtre de Poche au Théâtre Forain
Lorsque j’étais à l’étranger, je présentais au cours de spectacles coupés, l’une des pièces du Théâtre de Poche de Jean Cocteau. Un jour je décidai de tenter l’essai des 3 pièces dans une même soirée. L’aventure s’avéra fructueuse, les 3 petits actes de Jean Cocteau formaient un tout, une unité d’esprit basée sur les malentendus, les soupçons.

De retour en France, je proposais à Jean Cocteau cette même tentative à Paris. Non seulement Jean Cocteau accepta mais encore proposa un texte de liaison joué par une voyante extra lucide que présente le Professeur Rufus.

Nous passions ainsi d’un plateau de scène à des Tréteaux de Foire. Ainsi est né ce spectacle forain dans le but de vous distraire grâce au dépaysement, à l’évasion. Tous, nous souhaitons bien vivement que cette soirée vous plaise.
PIERRE RICHY

c.      Texte de présentation dans le programme du spectacle donné à La Tomate

Ce texte qui porte le même titre que celui de l’Alliance française est en fait une version condensée de son prédécesseur. Le court passage introductif évoquant les reproches de manque de sérieux faits à Cocteau a disparu. Il ne s’agit plus de prendre position mais bien de présenter les numéros du spectacle et de rappeler que le spectacle se veut sans prétention.

Avec Tambour et Trompette
Les petites pièces qui composent le spectacle que vous allez voir ne prétendent qu’à distraire le public de la TOMATE.

Il y a presque trente ans, à Piquey, au bord du bassin d’Arcachon où je passais mes vacances avec Raymond Radiguet et Georges Auric, nous eûmes l’idée d’un spectacle de style forain sans la moindre prétention : spectacle qui grouperait plusieurs pièces courtes vite écrites.

La première, une complainte d’après la célèbre ballade anglaise dont s’inspire aussi « l’Étranger » d’Albert Camus (Darius Milhaud devait la mettre en musique et l’œuvre existe). La seconde M. Jabouille, vice-consul d’Annam, un voisin de chambre dans notre hôtel de planches (l’Hôtel Chanteclerc), nous en confia l’interminable texte original. La troisième « L’École des Veuves » (Matrone d’Ephèse), écrite beaucoup plus tard pour Mlle Arletty, qui la créa dans un Théâtre Parisien, pendant que je faisais le tour du monde de Jules Verne, sur les traces de Phileas Fogg.

Pour faciliter la tâche de notre troupe, je nouai les actes ensemble par l’entremise d’une « extra-lucide » (Madame Irène), que présente le professeur Rufus.

L’ensemble de ce modeste théâtre de poche n’est qu’un prétexte à mise en scène. Les dialogues n’existant que par le talent des comédiens qui les interprètent.

Bonne chance à tous.
JEAN COCTEAU

d.      Prologue de Cocteau enregistré le 14 mars 1961[40], pour les représentations à La Tomate

Avec ce prologue, rythmé par les roulements de tambour, Cocteau fait figure de Monsieur Loyal. Pourtant, au lieu d’annoncer les numéros, il suscite la curiosité du public par une série de négation. Le spectateur n’est pas au théâtre, il se trouve là où tout a commencé, à l’origine de tous les spectacles : une baraque foraine. Cocteau se plait alors à déployer le motif forain, du montreur de félin au charmeur de puces sans oublier l’omniprésence de la musique. Il insiste également sur la dangerosité des numéros : la performance artistique tient à un fil qu’il s’agit de ne pas rompre par des applaudissements intempestifs[41]. Le poète lui-même n’échappe pas à la règle et son numéro est une véritable pirouette : il délègue sa voix et hantera l’œuvre à chaque instant, parvenant ainsi à être à la fois visible et invisible.

Nous avons transcrit le texte initial de Cocteau (manuscrit de la BHVP) et indiqué les modifications effectuées lors de l’enregistrement. Les ajouts sont indiqués entre crochets et les éléments supprimés ont été barrés. Nous avons mentionné également en italiques les moments où nous entendions des roulements de tambour.

Dans leur grande majorité, les modifications constatées ont pour objectif de gommer toute référentialité et de rendre l’enregistrement utilisable lors d’une reprise ultérieure du spectacle.

*

Musique foraine – roulement de tambour
[C’est Jean Cocteau qui vous parle]
Mesdames Messieurs,
Ici vous n’êtes pas au théâtre. Roulement de tambour
[Ici] Vous n’êtes pas au music-hall. Roulement de tambour
[Ici] Vous n’êtes pas au cabaret. Roulement de tambour
[Ici] Vous n’êtes pas au cirque. Roulement de tambour
Et je m’en excuse. [Alors] Où êtes-vous ?
Dans la crèche[42] – avec paille, âne et bœuf où sont nés le théâtre, le cabaret, le music-hall et le cirque.
Une baraque foraine. Et de cette crèche vous êtes les bergers [et] les mages et c’est ma toute petite étoile qui vous y a conduits. Roulement de tambour
La difficulté consiste en cela que les forains exercent souvent un métier qui n’est [était] pas le leur et dont ils n’ont [ne possèdent] aucune habitude.
Par exemple chacun sait que [de nos artistes] Madame Sapritch [la première] était dompteuse, que Madame Passeur [la seconde] était chef d’orchestre et que Madame Pauline Carton [la troisième] apprivoisait et charmait les puces
Or nous n’avons pas assez de place pour les douze tigres du Bengale de [l’une] Madame Sapritch, [nous n’avons] pas assez de place pour les 30 violonistes de [l’autre] Madame Passeur qui dirige comme chacun sait un orchestre de violonistes hongroises. Nous n’avons pas assez de place pour les 500 puces de Madame Pauline Carton et si même les puces de [la dernière] Madame Carton étaient admises, ilreste à craindre qu’elles ne se veuillent nourrir sur vos jambes et sur vos bras.
Donc [ces dames] Mesdames Sapritch, Passeur et Carton acceptent avec bonne grâce d’abandonner les tigres, les violons[violonistes] et les puces – et [afin] de tenir sur nos tréteaux des rôles difficiles et inattendus pour lesquels ces dames [artistes] réclament toute votre indulgence.
Quant à moi [En ce qui me concerne], j’exerce également d’autres métiers que celui de la foire, et le seul exercice acrobatique auquel je puisse prétendre n’est autre que celui qui fait des académiciens : lorsqu’ils meurent, se changer en fauteuils dans lesquels viennent s’asseoir des collègues, tout comme jusqu’à cette surprenante minute. [inconnus jusqu’à nouvel ordre]
Roulement de tambour
Mais comme je suis encore incapable de me changer en fauteuil devant vous, il me faudra devenir un fantôme et me mouvoir invisible [d’acte en acte] de pièce en pièce et de monologue en monologue.
Vous ne me verrez pas mais, vous sentirez ma présence car nous ne sommes en somme à la Tomate ni des auteurs ni des décorateurs ni des acteurs mais, des amis auxquels d’autres amis viennent se joindre afin de s’amuser avec eux, comme pour ces charades qu’on improvise le soir à la campagne.
Roulement de tambour
Et maintenant ma voix que j’ai déléguée [je vous délègue] retourne en ma personne après avoir [je l’espère] demandé [obtenu] l’appui de votre indulgence et votre bonne humeur.
Roulement de tambour

2.     Textes de liaison pour les représentations de La Tomate et fin enregistrée par Cocteau

Le document transcrit est une version dactylographiée que Mme Richy nous a permis de consulter. Plusieurs corrections ont été apportées avec un stylo noir : il s’agit des modifications apportées par Cocteau lors de la refonte du spectacle pour les représentations à La Tomate. L’écriture est celle de Cocteau. Nous avons signalé les indications scéniques par des italiques entre parenthèses, les différentes corrections et ajouts sont signalés en italiques et entre crochets. Nous avons ajouté l’épilogue enregistré sur bande magnétique par Cocteau à la fin du document.

Les textes de liaison sont l’occasion pour Cocteau de déployer l’imaginaire du théâtre forain. Madame Irène est une médium qui, entre deux numéros de voyance et divination, se repose dans sa roulotte. Le Professeur Rufus n’est pas sans évoquer les grandes figures d’hypnotiseur (Caligari, Mabuse) notamment lors du dispositif « paramémoratif » préludant au Pauvre Matelot, mais il a également tout du prestidigitateur qui fait appel aux spectateurs pour ses numéros, brisant ainsi le 4e mur. Ce 4e mur qui n’a plus lieu d’être dans un campement forain qui précède la salle de spectacle (tout comme dans le ballet Parade). Il n’est donc pas étonnant que, lorsque Madame Irène fait défaut, Rufus convoque nommément l’actrice Pauline Carton pour réciter Le Fils de l’air. Pour opérer la liaison entre ses numéros, Cocteau fait le choix du ludique, que l’on pense aux jeux de scène avec le Monsieur sceptique et son épouse ou encore aux jeux de mots et de rimes, qui ne sont pas sans rappeler le recueil Opéra (1925).

À la fin, le texte de liaison se fait générique : le Professeur Rufus conclut avant de céder la parole à Cocteau, qui réaffirme sa présence et son auctorialité par un « C’est Jean Cocteau qui vous parle », clôturant la parade, comme le ballet éponyme, en sous-entendant qu’il vaut mieux ne pas aller plus loin.
*
Roulement de tambour
LE PROFESSEUR RUFUS : Mesdames et Messieurs, je vais avoir le plaisir et l’honneur de vous présenter un des sujets les plus remarquables de la voyance : Madame Irène – Madame Irène est célèbre dans tous les milieux universitaires qu’elle étonne par l’étendue de ses pouvoirs d’extra-lucide. Je me présente moi-même : Professeur Rufus – Rufus, agrégé de l’institut de Parapsychologie et de Paraphysique.
Entre Madame Irène, roulements de tambour
Madame Irène ! (elle salue)
Et maintenant je vais bander les yeux de Madame Irène afin qu’elle ne puisse être renseignée par aucun signe. Elle va se concentrer. Je vais descendre dans la salle et prier quelques spectateurs de collaborer à nos expériences.
Il bande les yeux de Madame Irène avec un foulard et s’apprête à descendre dans la salle, lorsqu’il est arrêté sur les marchent qui descendent de l’estrade par les cris de Madame Irène
MADAME IRÈNE : Quelle Horreur… Quelle horreur
LE PROFESSEUR RUFUS : Qu’avez-vous Madame Irène ? Répondez…
MADAME IRÈNE (voix d’épouvante) : Quelle horreur ! J’assiste au sac de la ville de Bourges par les troupes rebelles du Prince de Luzignan… On traîne le Connétable de la Hure par sa barbe ! La ville flambe !…
LE PROFESSEUR RUFUS : Vous vous égarez, Madame Irène ! …. Concentrez-vous ! nous ne sommes pas ici pour un de vos voyages dans le temps…
(au public) Je m’excuse, mais il arrive que Madame Irène perde pied et tombe dans tel ou tel événement de l’Histoire… Je vais la remettre dans le droit chemin…
(il remonte vers la voyante)
MADAME IRÈNE (criant) : Le sac de la ville ; le sac de la ville ; …
LE PROFESSEUR RUFUS : Eh bien, Madame Irène, puisqu’il en est ainsi, décrivez-nous ce sac…
MADAME IRÈNE (monotone et égale) : Ce sac est en peau de porc. On peut lire sur le fermoir C.D.H., les initiales du Connétable de la Hure. Si quelqu’un le retrouve, il est prié de le remettre au contrôle du théâtre qui le fera suivre…
(changement de voix puis voix lointaine) Où suis-je ?
LE PROFESSEUR RUFUS : Vous êtes auprès du Professeur Rufus qui vous interroge et qui vous ordonne de dormir et de quitter Bourges. Dormez Madame Irène, je le veux…
MADAME IRÈNE (voix lointaine) : Je dors…
LE PROFESSEUR RUFUS : Parfait. Êtes-vous revenue en [1960][43]
1961 et prête à me répondre ?
MADAME IRÈNE : Je suis prête à vous répondre en [1960] 1961.
LE PROFESSEUR RUFUS : Alors je vais descendre dans le public et prier une spectatrice d’être assez aimable pour me prêter son sac à main.
MADAME IRÈNE (qui recommence à prendre sa voix de folle) : Le sac de la ville… le sac de la ville…
LE PROFESSEUR RUFUS (de loin dans la salle) : Allons bon ; voilà qu’elle recommence ! (Criant) Madame Irène, Madame Irène. Concentrez-vous… Soyez sage….
MADAME IRÈNE : Je serai sage….
LE PROFESSEUR RUFUS : Je répète. Une spectatrice veut-elle être assez aimable pour me confier son sac ? Vous n’avez rien à craindre Mesdames, Messieurs. Nous ne sommes pas des voleurs. L’Institut des Hautes Etudes des Sciences Occultes peut répondre de nous.
[entouré, au crayon stripteaseuse des séances en matinée]
LE MARI D’UNE DAME : Voici le sac de ma femme
LA DAME (debout criant) : Gustave tu es fou.
LE MARI : Au contraire je suis rationaliste et cartésien. Je veux vous prendre, c’est le cas de le dire, la main dans le sac.
LE PROFESSEUR RUFUS : Monsieur ne manque pas d’esprit. Nous l’applaudirons (Il s’apprête à ouvrir le sac)
LA DAME (hurlant) : Rendez-moi ce sac, rendez-le-moi immédiatement.
LE MARI : Gardez ce sac Professeur, il n’y a rien dedans, je suppose, qui ne puisse se dire en public…
LA DAME (criant) : Je me plaindrai à la direction.
LE PROFESSEUR RUFUS : Madame Irène êtes-vous en état de répondre ?
MADAME IRÈNE : Je suis en état de répondre….
LE PROFESSEUR RUFUS : Qu’est-ce que je touche dans ce sac ?
LA DAME : C’est indigne.
MADAME IRÈNE : Une photographie.
LE PROFESSEUR RUFUS : Que représente cette photographie ?
LA DAME : Gustave, ordonne à cet homme de me rendre mon sac.
LE MARI : Et moi je t’ordonne de te taire. Continuez Professeur…
[ajout stylo noir : PROFESSEUR RUFUS : Continuez Madame Irène]
MADAME IRÈNE : Je vois… Je vois un jeune homme et il y a une dédicace…
LE PROFESSEUR RUFUS : Pouvez-vous la lire ?
LA DAME : Gustave, Gustave…
LE MARI : Silence !
LE PROFESSEUR RUFUS : Et quelle est cette dédicace ?
MADAME IRÈNE : À MA ZEZETTE QUE J’ADORE, SON ZOZO[44]
(Le mari la gifle. Hurlements. Rires.)
LE MARI : Dehors, putain, dehors. (Il pousse la malheureuse vers la sortie. On entend la Dame crier)
LA DAME : Tu es grotesque. C’est un parachutiste ! Mon filleul…
LE MARI : Je les retiens les parapsychologues et les parachutistes, je les retiens.
(Ils sortent dans une tempête)
E PROFESSEUR RUFUS (qui est remonté en hâte sur l’estrade) : Mesdames, Messieurs, je suis consterné d’être responsable de ce très fâcheux incident. Mais, non seulement il vous prouve le pouvoir de voyance de Madame Irène, mais encore combien elle est peu soumise aux hypocrisies de la mondanité. Ce qu’elle voit, elle le dit. Et c’est pourquoi les plus hautes sommités de la Médecine ont parfois recours à elle pour l’exactitude foudroyante de ses diagnostics. L’esprit de Madame Irène ne connaît plus pas d’obstacles. Bref, n’y pensons plus.
[ajout au stylo noir – écriture de JC
Pendant que Mme Irène se repose dans sa roulotte n’y aurait-il pas dans la salle une spectatrice ou un spectateur qui veuille bien nous dire quelque chose pendant que nos actrices se maquillent !
H. : Moi Monsieur
R. Eh bien vous ne manquez pas de toupet jeune homme
H. Je saisis ma chance
R. Qu’est-ce que vous allez nous dire ?
H. Un monologue
R. Allez-y]
PROFESSEUR RUFUS : Et maintenant, Mesdames, Messieurs, puisque Madame Irène semble reposée, je vais reprendre le cours normal de nos expériences paranormales. Madame Irène, que voyez-vous ?
MADAME IRÈNE : Je vois, je vois… des tombes, des tombes… La mer Égée, une matrone d’Éphèse…. Je vois, je vois….

NOIR et début de L’ÉCOLE DES VEUVES
VOIR LIVRET : page 1
FIN DE L’ÉCOLE DES VEUVES
RIDEAU

PROFESSEUR RUFUS appelle à lui le Jeune Homme du début et dit :
[BLANC]
Et le jeune homme dit LE MENTEUR
VOIR LIVRET : Page…
FIN DU MENTEUR – NOIR-
Après LE MENTEUR – Le professeur Rufus apparaît, Madame Irène est dans sa roulotte.

PROFESSEUR RUFUS : Madame Irène, pouvez-vous nous dire maintenant ce que vous voyez ?
MADAME IRÈNE : Je vois, je vois… un port de mer… le soir tombe…

NOIR LENT SUR LA ROULOTTE,
 tandis que s’éclaire le plateau et qu’on entend le piano mécanique
 Début de :
LE PAUVRE MATELOT
VOIR LIVRET : page …
FIN du PAUVRE MATELOT –
NOIR
Le professeur se présente devant le rideau et dit :

PROFESSEUR RUFUS : Mesdames, Messieurs – [et maintenant] nous allons vous présenter [rajout : maintenant] l’expérience la plus remarquable et la plus bouleversante de notre programme. Cette expérience, que je qualifierai de paramémorative consiste en une séance chez le juge d’instruction que Madame Irène a vécu avant ma découverte à Marseille de ses dons exceptionnels. Cette déposition résultait d’une aventure fort étrange. Son esprit en a ressenti un tel choc que, désormais, et sur mon ordre, elle croit le revivre et dépose chez un juge d’instruction imaginaire – (moi-même en l’occurrence) comme elle a déposé à l’époque du drame parasexuel dont elle était la victime. J’ai donné à cette expérience le titre de Le Fantôme de Marseille et je vais essayer de le réussir devant vous. La table, la chaise, une autre chaise pour la prévenue. Je vous tournerai le dos et je m’en excuse. Voilà Madame Irène peut entrer. Elle dort et c’est dans ce mystérieux sommeil qu’elle retrouve les moindres phrases d’une déposition faite en 1950. Étant donné que cette prouesse oblige Madame Irène à changer de lieu et de temps, son réveil pourrait lui être fatal et c’est pourquoi je vous saurai gré de ne pas la troubler par quelque bruit, sauf naturellement par les applaudissements qu’elle mérite et qu’elle croira devoir à tout autre chose qu’à ce phénomène paramémoratif.

Il appelle Madame Irène…
Elle entre ENDORMIE et va s’asseoir à la chaise. Les mains d’un greffier apparaissent devant le clavier de la machine à écrire, et commence :
LE FANTÔME DE MARSEILLE
VOIR LIVRET : page…
FIN FANTÔME DE MARSEILLE– NOIR –
Puis, tandis que Mme Irène revient dans sa roulotte, le professeur Rufus monte sur l’estrade et dit :

PROFESSEUR RUFUS : Eh, bien, jeune homme, entrez, entrez. Puisque vous voilà des nôtres, et que la foire exige qu’on se produise dans quelques exercices exceptionnels, à moins qu’on ait simplement la chance d’être un monstre, nous allons vous demander s’il vous serait possible de vous souvenir du Bel Indifférent de Jean Cocteau, dans laquelle Édith Piaf débuta au Théâtre et de le transformer de telle sorte que le rôle de femme devienne un rôle d’homme. En êtes-vous capable ?
JEUNE HOMME : Je le crois
PROFESSEUR RUFUS : Bravo. Alors nous allons prier une de nos jeunes camarades de bien vouloir tenir le rôle muet que tenait Paul Meurisse au théâtre.
JEUNE HOMME : Estimez-vous que l’auteur m’autoriserait à changer le titre ?
RUFUS : Ne vous gênez pas La Belle Indifférente ne collerait plus….

Début de LIS TON JOURNAL
Après LIS TON JOURNAL
NOIR – RIDEAU
Puis le professeur Rufus apparaît et dit :

PROFESSEUR RUFUS : Mesdames, Messieurs, lorsque le public pénétrait dans la salle, j’ai prié un certain nombre de spectateurs d’inscrire deux rimes sur une fiche et de jeter cette fiche dans ce chapeau (il le montre) Voici une de ces fiches (il la montre et la remet dans le chapeau) Madame Irène va deviner ces rimes et se mettre ensuite dans un état parapoétique lui permettant de composer instantanément un poème à l’aide de ces rimes qu’un spectateur voudra bien contrôler au fur et à mesure de cet exercice divinatoire
(À un spectateur) Jeune homme, voulez-vous monter sur l’estrade et constater que les rimes contenues dans ce chapeau sont bien celles que Madame Irène devine.
(Le jeune homme monte et regarde à chaque fois que Madame Irène dit les rimes)
MADAME IRÈNE (les yeux bandés) : DEVANT, VENT – ELLE, OMBRELLE – AU SECOURS, COURT—MERE, CHIMERE – POLICE, MALICE…[45]
PROFESSEUR RUFUS : Halte… Une plus longue lecture serait fastidieuse et j’estime que Madame Irène vient de vous donner la preuve qu’elle est capable de lire toutes les fiches comme elle vient de lire les cinq premières tirées au hasard dans ce chapeau par ce jeune homme.
(Au jeune homme) Les rimes de Madame Irène correspondent-elles aux vôtres ?
LE JEUNE HOMME : Oui, Monsieur…
PROFESSEUR RUFUS : Appelez-moi Professeur ;
LE JEUNE HOMME : Oui, Professeur
(il se courbe dans la confusion et rend le chapeau puis retourne à sa place)
PROFESSEUR RUFUS : Attention, Madame Irène va devenir devant vous le lieu d’un phénomène unique dans l’histoire de la voyance. Habitée par un poète inconnu, elle composera un poème en usant de toutes les rimes inscrites [ajout : sur les bulletins] par les spectateurs, et cela dans l’ordre où ces rimes furent sorties du chapeau par ce jeune homme.
Madame Irène. Dormez… Dormez…
(elle ne bouge pas)
Qu’avez-vous, Madame Irène ?
MADAME IRÈNE : Je ne peux pas dormir…
PROFESSEUR RUFUS : Par exemple. C’est bien la première fois qu’une chose pareille vous arrive.
MADAME IRÈNE : Je m’excuse…
PROFESSEUR RUFUS : Vous n’aimez pas les poètes ?
MADAME IRÈNE : Ce n’est pas cela mais je ne sens pas ce poème et je n’arriverai pas à le dire.
PROFESSEUR RUFUS : Que faire ?
MADAME IRÈNE : Endormez quelqu’un d’autre…
PROFESSEUR RUFUS : Essayons. (Il se frappe le front) Est-ce que Madame Pauline Carton a quitté le Théâtre ?
UN MACHINISTE : Elle est encore dans sa loge. Elle se démaquille…
PROFESSEUR RUFUS : Bravo. Dites-lui de venir tout de suite… comme elle est.
(au public) Je vous présente toutes mes excuses – mais ces phénomènes sont fort mystérieux et si Madame Irène se récuse, c’est vraiment qu’elle se trouve dans l’impossibilité de vous satisfaire.
MADAME IRÈNE : Je le regrette, mais j’ai trop sommeil pour avoir envie de dormir.
(Elle rentre dans sa roulotte)
MADAME CARTON (qui est entrée depuis une seconde) : moi non plus [moi aussi]
PROFESSEUR RUFUS : C’est ce que nous allons voir…
MADAME CARTON : Si vous réussissez, Professeur, je vous engage chaque nuit dans ma chambre…
PROFESSEUR RUFUS (à part) : Diable…
MADAME CARTON : En tout bien, tout honneur…

PROFESSEUR RUFUS : En route (Il se place devant elle) Ne résistez pas, Pauline. Laissez-vous aller… (Il l’endort) Dormez-vous ?
MADAME CARTON : Je dors…
PROFESSEUR RUFUS (au public) Prodigieux. Je me félicite que les circonstances m’aient permis de vous prouver mes pouvoirs.
(À Pauline) Êtes-vous habitée par l’âme de ce poète ?
MADAME CARTON : je le suis…
PROFESSEUR RUFUS : Pouvez-vous dire son poème ?
MADAME CARTON : Je le peux
PROFESSEUR RUFUS : Savez-vous le titre de ce poème
MADAME CARTON : Le Fils de l’air … Je voudrais être habillée en bohémienne…
PROFESSEUR RUFUS (avec autorité) : Vous l’êtes.
MADAME CARTON : Merci. Je me sens mieux…
PROFESSEUR RUFUS : Ré-ci-tez…

MADAME CARTON récite alors le poème Le Fils de l’air
Voir le LIVRET : Page°
À LA FIN DU POÈME :
(Rufus la réveille ou bien les applaudissements la réveillent)

[Partie barrée au stylo
MADAME CARTON : Où suis-je ?
PROFESSEUR RUFUS : Vous êtes sur la scène de la Tomate et vous ne saurez jamais ce que vous venez d’y faire…
MADAME CARTON : Pas d’indécences, j’espère ?
PROFESSEUR RUFUS : Non, non, rassurez-vous. Vous êtes libre…
MADAME CARTON : Alors ça, par exemple… (elle sort en disant) je crois que je vais m’endormir…]

Tandis qu’elle sort, Madame Irène traverse brusquement la scène, les bras tendus, comme une somnambule et crie :
« LA CHINE AUX CHINOIS… LA CHINE AUX CHINOIS…
LE PROFESSEUR RUFUS apparaît alors et s’écrie : « Avez-vous vu Madame Irène ? Elle s’est échappée de sa roulotte et son état médiumnique autorise toutes les craintes, les pires…
UN MACHINISTE CHINOIS : Hi – chi – ha – ya – ké – ki – tchi’ – ha – houen…
PROFESSEUR RUFUS : Ah, bon. Vous me rassurez. Merci. J’avais eu peur, excusez-moi…
(IL SORT)

NOIR – MUSIQUE
début de L’ÉPOUSE INJUSTEMENT SOUPCONNÉE
VOIR LE LIVRET page :
FIN DE L’ÉPOUSE INJUSTEMENT SOUPCONNÉE
– NOIR – DIX MILLE ANNEES DE RÈGNE À L’EMPEREUR –

Salut de tous les interprètes… puis :
Rufus apparaît suivi de Madame Irène en lui disant :
PROFESSEUR RUFUS : Allons, allons, Madame Irène, c’est dur, je m’en doute, mais faites un dernier effort… Le spectacle forain que nous avons eu l’honneur d’interpréter devant vous est composé de monologues et de pièces en un acte du Théâtre de Poche de Jean Cocteau…
(Elle s’évanouit lentement. Rufus l’enjambe et dit)
PROFESSEUR RUFUS : Les robes de l’École des Veuves ont été dessinées par Castillo-Lanvin, la robe de Madame Irène est du Marché aux puces…
(Madame Irène se réveille et dit)
MADAME IRÈNE : Où suis-je ? (elle tend la main au public)
PROFESSEUR RUFUS : Madame Irène n’est pas folle. Elle revient à elle pour faire la quête. Mais il est trop tard, Madame Irène, trop tard, tout le monde s’en va…

Et on entend la voix de Jean COCTEAU qui dit :
Bande : « C’est Jean Cocteau qui vous parle »

Transcription de l’enregistrement :
Roulement de tambour
Et maintenant, bravo pour le public qui a assisté à notre parade. Peut-être est-il prudent de s’en tenir à la parade et de ne pas se risquer à l’intérieur[46].
Roulement de tambour
C’est Jean Cocteau qui vous parle. Musique finale

Annexe 1 : Masques-Éventails réalisés par Cocteau pour la pièce L’Épouse injustement soupçonnée

Masques-Éventails réalisés par Cocteau pour la pièce L’Épouse injustement soupçonnée (Recto)
Masques-Éventails réalisés par Cocteau pour la pièce L’Épouse injustement soupçonnée (Verso)

Annexe 2 : Curriculum Vitae de Pierre Richy (1923-2013)[47]

Né le 14 juillet 1923 à Noyon (Oise). Études primaires et secondaires dans l’Oise – Classiques : Français, Latin, Grec – Guerre de 1940 : FFI à Brunoy – Puis service militaire – Ensuite Professeur de Français et Latin au collège de Bury, Ermont-Eaubonne puis Herblay. Parallèlement, travaille la Diction et le Geste avec Jean-Louis Barrault, à la Comédie Française et participe aux spectacles La Reine morte, Le Soulier de satin, Cyrano de Bergerac. Forme une troupe théâtrale avec Maurice Ronet, Odette Aslan au Théâtre de Poche de Montparnasse où il fait jouer Marcel Marceau (1950).

1950-1956MAROC – Répétiteur et Professeur à l’École Charles de Foucauld à Rabat. Il présente un spectacle réunissant 45 participants sur le parvis de la Cathédrale de Casablanca devant 1500 spectateurs et relatant la vie de SFrançois d’Assise ; pour la première fois, une équipe de comédiens professionnels (la Compagnie théâtrale de Radio-Maroc) interprétait un texte devant un micro invisible du public, tandis qu’une équipe de mimes évoluait sur le parvis. Ce style original fut applaudi chaleureusement au point que le Haut-Commissariat à la Jeunesse et aux Sports décida d’engager Pierre Richy et le nomma Administrateur de la Scène française et marocaine. Il décida aussitôt de créer un circuit de tournée avec les artistes de Radio-Maroc dans les villes suivantes : Casablanca, Raba, Meknes, Port-Lyautey, Fez, Khouribga, Mazagan et Tanger. Puis il fonda la première troupe franco-marocaine, participa à des montages radiophoniques et à la création des Ateliers d’Expression. Plus de trente spectacles en cette période.
1956-1962PARIS – De retour à Paris, devient Régisseur puis Assistant Metteur en Scène au Théâtre Gramont, puis interprète dans À La Monnaie du Pape avec Louison Velle. – Création d’Irma la Douce avec Colette Renard et Michel Roux – Le Vison à cinq pattes avec Mary Marquet et Suzanne Dehelly. – Édition de midi avec Jacques Grello. Au Théâtre de l’Ambigu : Périclès (Shakespeare) avec Bruno Cremer, Jacques Mauclai, Tsilla Tchelton, Charles Denner, Georges Audoubert, Henri Virlogeux, Francis Joffo, Sady Rebbot, Francine Berger. Mise en scène de René Dupuy. Assistant de Sacha Pitoëff (Théâtre des Noctambules). Au Théâtre de l’Athénée, reprise d’Irma la douce avec Colette Renard et Franck Fernandel – Puis Les Grosses Têtes de Poiret et Serreau avec Claude Piéplu et Maria Pacôme (Assistant Metteur en Scène de ces différents spectacles). 1959 – Responsable technique du Festival de Blois (château de Blois) pour La Pavane de Blois avec Michel Bouquet, Georges Audoubert, et de Montauban, pour Le Timide au Palais avec Emmanuelle Riva. Réintégration à Jeunesse et Sports, Responsable de Stages de formation d’Animateurs et Conseiller auprès de troupes théâtrales. 1961 – Metteur en scène au Théâtre de l’Alliance française, puis au Théâtre de la Tomate : Le Théâtre forain de Jean Cocteau, avec Pauline Carton, Jean Yanne, Alice Sapritch, Michel Beaune. Jean Cocteau participe aux dernières répétitions et crée Les Masques éventails pour l’une des pièces L’Épouse injustement soupçonnée. Il écrit spécialement un texte de liaison et la présentation du programme. Dit lui-même un texte d’introduction au magnétophone. 1962 – Dans le cadre des réalisations de Jeunesse et Sport, Pierre Richy crée le Premier festival de Sologne avec Daniel Gélin et 40 stagiaires, avec L’Histoire du soldat (Stravinsky, Ramuz). Puis réalise Les Trois Griffes, un film en 16 mm, avec les stagiaires. Devient l’Assistant réalisateur de C.Y. Leduc pour ses deux courts-métrages, d’une part Au creux des sillons, qui présente la fabrication des disques et d’autre part 21 rue Blanche qui présente le Cours d’Art Dramatique National, avec notamment Jean Meyer, Berthe Bovy, Roland Manuel et la collaboration d’Annie Girardot.
1962-1964Nommé par le ministère de la Coopération. Chef du cours d’Art Dramatique de l’École des Arts de Dakar (Sénégal). À cette occasion, fonde la Troupe Nationale sénégalaise avec Maurice Sonar Senghor. Présente des émissions à Radio-Sénégal (Antenne aux Jeunes). Pièces de théâtre et policières (auteur et réalisateur) avec les Comédiens Professionnels de Dakar et les élèves de l’École des Arts. Met en scène la pièce Le Marabout malgré lui, devenue Le faux Marabout, d’après Molière. Cette pièce est restée depuis au répertoire du Théâtre National. Tourne un film avec les opérateurs de la Télévision Sénégalaise : Petit Mari de Birago Diop.
1964-1968Détaché par Jeunesse et Sports aux Houillères du Bassin de Lorraine, fonde, à cette occasion les Inter Foyers Théâtre, qui réunissent 75 mineurs, jeunes et adultes, lesquels présentent dans chaque cité houillère, chaque quinzaine, un nouveau spectacle. Deux films sont tournés aux Houillères en 16 mm sonore : Rêve de cousette et La Statue et le mauvais génie (deux mimodrames de Pierre Richy) – Participe à la réalisation d’un Roman Photo qui paraît régulièrement dans la revue des HBL.
1968-1970Nommé Instructeur d’Art dramatique au CIFA (Angoulême).
1970-1972Nommé en qualité de Conseiller Technique et Pédagogique de la Jeunesse et des Sports pour la région de Poitou-Charentes. Outre les réunions avec les troupes théâtrales et les stages, organise le Premier Festival de Théâtre Amateur à La Rochelle : une semaine entière où chaque troupe présente des spectacles devant Jean Davy, René de Obaldia, René Dupuy, etc.
Mai.72-Sept.73Nommé Directeur du Centre réunionnais d’Action Culturelle à l’Île de la Réunion (ministère des Affaires Culturelles). Responsable des tournées venant de métropole et créateur d’une équipe de Mimes réunissant des Bretons, Indiens, Créoles. Présente, comme réalisateur, L’Histoire du soldat avec cette équipe entourant Daniel Gélin. Chef d’orchestre Pierre Merle Portalès.
Sept.73-Jan.74Conseiller Technique et Pédagogique à Dijon, puis retour à Paris à la Direction Régionale de la Jeunesse et des Sports d’Île de France : stage de Mime, Pantomime, Commedia dell’arte et Marionnettes. Stages DEFA. Membre du Jury de la COREFA.
Fév. 1976Met en scène, une nouvelle fois, L’Histoire du soldat dans un montage entièrement original, pour le Festival du Mans, avec Jean-Louis Barrault (le lecteur), Jean Guizerix, danseur étoile de l’Opéra (le diable), Robert Etcheverry (le diable acteur), Wilfride Piollet, danseuse étoile de l’Opéra (la princesse) et Amidou (le soldat). Chef d’orchestre : André Girard.
1979Assistant metteur en scène de Troilus et Cressida (Shakespeare). Adaptation et réalisation de René Dupuy au Théâtre Fontaine, avec Magali Renoir et Fabrice Lucchini.
1981Assistant de Steak de Victor Haïm avec Jacques Debary et Nicole Mérouze, Élisabeth Margoni et Monique Tarbes.
Déc. 1983Pierre Richy crée Le Théâtre forain pour l’anniversaire des 20 ans de la mort de Jean Cocteau : 26 représentations exceptionnelles au Théâtre Constance, avec Souad Amidou, François Paul Dubois, René Dupuy et la voix de Jean Marais, avec l’aide de la Direction de la Jeunesse et des Sports et du Ministère de la Culture.
Jan.1985Assistant de R. Dupuy pour le spectacle Orphée aux Enfers (Offenbach) avec Jacques Fabbri, Luis Rego, Oona Hodge et Jean-Paul Bordes. Dans le cadre de Jeunesse et Sports, fonde une équipe de Mimes, avec les ex-stagiaires DEFA et les élèves de l’Atelier de Mime et Pantomime qu’il dirige depuis 1976. Cette compagnie de Pantomime s’appelle Les Funambules en souvenir des théâtres sur tréteaux de l’époque de Debureau. Elle propose des séances d’animation de mime, pantomime, ballet pantomime, dans les MJC, les centres de loisirs, les salles de spectacles à Paris et en province, les tréteaux en extérieur pour les festivals, etc. La compagnie a présenté son spectacle à Genève (Centre International des étudiants) et sur le canal du Nivernais (tournée sur péniche, circuit itinérant et spectacle quotidien), puis spectacles de rue en Languedoc-Roussillon (Cap d’Agde, Nizas, Caux, Pézenas, août 1984). Devant ce succès, la même équipe revient en août 1985 en Languedoc-Roussillon avec Spectacles, Animations et Ateliers de Pantomime pour enfants au Cap d’Agde. Les Funambules ont présenté 5 émissions télévisées (Antenne 2) pour le CNDP (nov. et déc. 1980).
Oct.85-Sept.86Pierre Richy, muté sur demande à la Direction Régionale de Jeunesse et Sports du Languedoc-Roussillon effectue des stages de mime et pantomime et un stage de Commedia Dell’arte pour les étudiants. En sept. 1986, retour à la Direction Régionale de la Jeunesse et des Sports à Paris.
Octobre 1986Porto (Portugal) – Stage de Mime et Pantomime pour la troupe théâtrale Art Imagem au Théâtre Universitaire de Porto. Reprise des Ateliers de Mime et Pantomime à Paris.

Après Jean-Louis Barrault, Pierre Richy fut l’élève du Maître du Mime Étienne Decroux, à Paris en 1953.

Il est l’auteur de trois brochures sur le Mime et la Pantomime, toutes trois préfacées par son ami Marcel Marceau : Initiation au mime – Jeu silencieux – Histoires silencieuses. Ces trois brochures sont épuisées (une de chaque est conservée au siège social).

Depuis 1989, il présente, avec son Atelier-Théâtre, un spectacle dans un théâtre parisien. Les derniers spectacles, depuis 2003, ont tous été joués au Théâtre de Ménilmontant, à Paris.

Voici, pour mémoire, la liste des titres de 1989 à 2010 :

1989Théâtre forain, Jean Cocteau, création
1991La Barque sans pêcheur, Alejandro Casona – J. Camp
1992Les Sonderling, Robert Merle
1993L’Art de la chute, Guy Foissy,création
1994Histoires sans paroles, Pantomimes de Pierre Richy, suivies de La Meunière d’Arcos d’Alejandro Casona
1995La Dame de l’aube, Alejandro Casona
1996Être ou ne pas être, Guy Foissy, création
1997L’Assemblée des femmes, Robert Merle
1998Trois diamants plus une femme, Alejandro Casona, A. Camp, création
1999Sisyphe et la mort, suivi de Lilith ou la première femme, Robert Merle, création
2000L’autre William, Jaime Salom – A. Camp, création à Paris
2001Faux-semblants, Guy Foissy, création
2002Romancero gitan et La Savetière prodigieuse, Federico Garcia Llorca
2003Les Nouvelles Chutes, Guy Foissy, création et Un Ange passe, Marie-Christine Gasquet-Lervoire, création
2004Le Retable jovial, Alejandro Casona – A. Camp
2005Reprise de La Barque sans pêcheur (1991)
2006Derniers cris, 18 comédies brèves, dont 10 créations, Guy Foissy
2007La Comédie des mots, 7 courtes pièces de Jean Tardieu
2008Et l’Enfer, Isabelle ? comédie policière de Jacques Deval, adaptation de Jean-Louis Châles
2009Comédie et Bouffonnerie : Crispin, rival de son maître d’Alain-René Le Sage, suivi de La Jalousie du Barbouillé de Molière.
2010Suspense, Suspense… avec deux comédies policières : Une répétition générale, un acte de Paul Vandenberghe et L’Homme de Rangoon, un acte de Guy Abécassis.
En début de représentation, La Paix chez soi, une comédie souriante de Georges Courteline.

Pierre Richy a obtenu :

  • 14 juillet 1977 : Médaille d’Argent du ministère de la Jeunesse et des Sports
  • 1e août 1980 : Palmes Académiques dans l’Ordre de Chevalier pour Services rendus à l’Éducation
  • 14 juillet 1989 : Médaille d’Or du Ministère de la Jeunesse et des Sports

[1] « Entretien avec Pierre Richy », dans Pierre Caizergues (dir), Jean Cocteau et le théâtre, Montpellier, Centre d’étude du XXe siècle- Université Paul Valéry, 2000, p. 322-329.

[2] Le texte ne sera édité qu’en 1960 avec Le Nouveau Théâtre de Poche aux éditions du Rocher. Richy possède le texte grâce à Sacha Pitoëff.

[3] « Entretien avec Pierre Richy », op.cit., p. 324.

[4] Il s’agit de la version lyrique de La Voix humaine mise en musique par Francis Poulenc en 1959.

[5] « Entretien avec Pierre Richy », op.cit., p. 325.

[6] Bateleur : Personne qui fait des tours d’acrobatie, d’escamotage, sur les places publiques, dans les foires

[7] « Entretien avec Pierre Richy », op.cit., p. 327.

[8] Idem

[9] Ibidem, p. 328-329.

[10] Jean Cocteau, Le Passé défini, texte établi par Pierre Caizergues, tome VII, 1960-1961, Paris, Gallimard, 2012.

[11] Le théâtre Gramont se situait dans le deuxième arrondissement de Paris.

[12] Bernard Évein (1929-2006), décorateur de théâtre et de cinéma français.

[13] Cocteau fait ici référence au Testament d’Orphée.

[14] Il s’agit ici de la Villa Santo Sospir.

[15] Voir Annexe 1.

[16] Actuelle Châlons-en-Champagne.

[17] Il s’agit des élèves du foyer Saint Exupéry de Reims.

[18] La troupe du Petit Théâtre a joué les 20 et 21 février 1960 L’Épouse injustement soupçonnée ainsi que La Savetière prodigieuse de Federico Garcia Lorca, au Foyer Saint Exupéry de Reims.

[19] Il s’agit de Keiko Kishi, actrice et vedette japonaise née en 1932, que Richy compare à « Brigitte Bardot chez nous ». Elle a été mariée au réalisateur français Yves Ciampi (1921-1982) jusqu’en 1975.

[20] Antonio Canovas del Castillo de Rey dit Antonio Castillo (1908-1984) est un grand couturier travaillant alors chez Lanvin, qui réalisa notamment les costumes du film La Belle et la Bête, 1946.

[21] Il s’agit de l’acteur André Maurice

[22] Il s’agit de Michel Beaune comme l’indique Pierre Richy dans son entretien avec Pierre Caizergues, op.cit., p. 327.

[23] Il s’agit de l’actrice Alice Sapritch (1916-1990) qui avait épousé Guillaume Hanoteau (1908-1985) en 1950. Guillaume Hanoteau est un avocat, acteur et auteur français.

[24] Allusion au peintre Jean-Gabriel Domergue (1889-1962) connu pour ses représentations de la Parisienne.

[25] Le Théâtre de l’Alliance française souhaite cesser les représentations du Théâtre forain.

[26] Il s’agit de Francine Weisweiller, amie et mécène de Cocteau.

[27] Fernand Lumbroso (1911-1994) organisateur de tournées internationales et producteur. Il avait notamment organisé la tournée de Cocteau au Moyen-Orient en 1949.

[28] Elvire Popesco (1894-1993), comédienne roumaine et directrice du Théâtre de Paris puis du Théâtre Marigny. Elle avait incarné Jocaste lors de la reprise de La Machine infernale en 1954 au Théâtre des Bouffes Parisiens.

[29] Génica Athanasiou (1897-1966) comédienne française d’origine roumaine. Elle a incarné Antigone dans la pièce de Cocteau, créée au Théâtre de l’Atelier en 1922.

[30] Claire Duhamel (1925-2014), actrice française.

[31] Cf. 1ere de couverture.

[32] Il s’agit du texte que nous reproduisons plus loin et non du texte ajouté en annexe du Passé défini, qui correspond au texte du programme des représentations au Théâtre de l’Alliance Française.

[33] En recoupant les programmes, il s’agirait de l’acteur Jean Berger.

[34] Romain Galant est le directeur du cabaret-théâtre la Tomate.

[35] Jean Cocteau passe l’été dans la villa de la princesse Ann Mari Tengbom, princesse de Bismarck.

[36] Nous ne sommes pas parvenus à savoir ce qui s’était passé avec Passeur ni les raisons du départ de Pauline Carton, autre que le « trac » mentionné juste avant.

[37] Richy avait un projet de film sur le mime avec Jean-Michell Rankovitch.

[38] Cocteau a orné la chapelle Saint Blaise des Simples entre 1959 et 1960.

[39] On compte en effet un poème (Le Fils de l’air), du théâtre lyrique (L’Épouse injustement soupçonnée, Le Pauvre Matelot), une pièce courte (L’École des veuves) et plusieurs monologues (Le Fantôme de Marseille, Le Menteur, Lis ton journal, Par la fenêtre, Je l’ai perdue).

[40] L’enregistrement est mentionné dans le Passé Défini à cette date, cf supra.

[41] On ne peut manquer de penser au prologue de la pièce Orphée (1927).

[42] Le motif de la crèche est une allusion à la première représentation du Théâtre forain à Tunis, au moment de Noël, comme l’explique Richy dans l’entretien : « Nous sommes allés jouer à Tunis, nous avons joué les 24 et 25 décembre vous comprendrez pourquoi il parle de la crèche ça n’avait rien à voir mais c’était très bien nommé. ». On peut également penser au court-métrage de 1958 La Crèche de Villefranche pour lequel Cocteau a été scénariste, commentateur et acteur. Voir à ce sujet, David Gullentops, « La Crèche de Villefranche », dans David Gullentops et Candice Nicolas (dir), Jean Cocteau et le court-métrage, Cahiers Jean Cocteau 15, Paris, Éditions Non Lieu, 2017, p. 207-312.

[43] La présence de cette actualisation de la date nous permet de penser que la partie des textes de liaison relative aux numéros communs entre les deux versions était déjà utilisée lors des représentations au Théâtre de l’Alliance Française.

[44] L’allitération en Z, outre son caractère comique et ridicule, peut évoquer le jeu de mots d’Opéra : « L’ami Zamore de Madame du Barry »

[45] Madame Irène n’est pas sans rappeler le cheval dans la pièce Orphée qui dicte les poèmes à Orphée par un système de coups frappés.

[46] Allusion au ballet Parade (1917) qui donne à voir la parade des artistes de cirque devant le chapiteau et donc avant le spectacle officiel.

[47] Nous remercions vivement Françoise Richy de nous avoir communiqué ce document.

Pour citer cet article

Audrey Garcia, "Le Théâtre Forain de Jean Cocteau et Pierre Richy, dossier documentaire", Cahiers JC n°21 : Cocteau et les arts de la scène, [en ligne], 2023, 1p, consulté le 28/04/2024, URL : https://cahiersjeancocteau.com/articles/le-theatre-forain-de-jean-cocteau-et-pierre-richy-dossier-documentaire/