À bien observer la vie et l’œuvre de Jean Cocteau, il nous apparaît qu’il a toujours su se renouveler, varier les formes et les approches au service d’une Poésie transcendant les catégories et les normes. Une telle diversité n’a pas manqué de susciter de nombreux reproches de la part de ceux qui n’y voyaient qu’un manque de sérieux, une superficialité destinée à plaire à tout prix. Mais ce serait ignorer la profonde rigueur d’un artiste multiple qui, quelle que soit la palette employée, ne quitte jamais la poésie, discipline infinie permettant d’oiseler le réel, de montrer l’envers du miroir à tout un chacun.
Artiste et artisan, Cocteau a su investir l’ensemble des supports et des moyens de communication afin d’ouvrir encore le champ poétique. Après la radio, le cinématographe et même la télévision, il aurait sans nul doute appréhendé avec une grande curiosité les technologies actuelles. Nous pouvons sans peine imaginer qu’il exploiterait les liens hypertexte pour enrichir ses poèmes, la 3D pour prolonger l’imaginaire visuel de la zone orphique et les réseaux sociaux pour rendre sa création virale.
Gageons donc qu’il aurait accueilli de ses vœux le format numérique des Cahiers Jean Cocteau qui, s’ils adoptent un nouveau chiffre, entendent bien conserver leur rigueur documentaire au service d’une diffusion plus large encore de l’œuvre coctalienne. Dans la continuité de la « nouvelle série » et de ses dix-sept numéros[1] dont la richesse reposait tout à la fois sur le sérieux des dossiers documentaires et la variété des sujets traités, nous continuerons nos efforts pour rassembler une communauté renouvelée de chercheurs, d’universitaires et d’artistes de tous horizons, susceptible de livrer une vision et une réflexion sans cesse renouvelée sur la vie et l’œuvre de Jean Cocteau.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que, le temps d’un numéro, nous abandonnons le format thématique au profit d’une structure plus éclectique. En effet, il ne s’agissait pas de réunir les contributeurs autour d’une question précise mais de leur laisser Carte Blanche pour évoquer leur Cocteau. La diversité des travaux proposés atteste la diversité des réseaux artistiques, personnels et philosophiques au sein desquels évolue Cocteau. Le titre de « Filiations artistiques » s’est alors imposé, dans la mesure où il permettait de montrer la richesse et la complexité des rapports avec les autres artistes, en amont et en aval de sa création intermédiale. Un tel parcours nous ouvrira tout d’abord sur l’art coctalien de la rime (G. Purnelle), les multiples inspirations à la source du projet du Songe d’une nuit d’été (M. Haine) et la collaboration poétique avec Olivier Larronde et Gabriel Pomerand (F. et M. Letaillieur). Il s’agira ensuite d’évoquer les relations personnelles et artistiques avec Jean Genet (P.-M. Héron) et Pablo Picasso (D. Gullentops). Enfin, la question de la postérité coctalienne sera envisagée sous l’angle de la naissance du musée du Bastion (N. Curti) puis de l’influence exercée sur David Lynch et la série des Twin Peaks (G. Dulong).
Cette constellation d’articles permet de montrer, s’il en est encore besoin, que Les Cahiers Jean Cocteau ont encore une multitude de sujets et de chercheurs susceptibles d’interroger et de déployer une œuvre coctalienne, plus que jamais d’actualité.
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Ce nouveau chapitre des Cahiers ne s’ouvrirait pas sans l’aide et le soutien de nombreuses personnes que nous tenons à remercier. Tout d’abord, Dominique Marny, présidente du Comité Jean Cocteau, et Anne-Gaële Duriez, déléguée générale du Comité, qui ont cru en ce projet dès les prémisses. Merci également à l’Association des Amis de Jean Cocteau qui a voté en faveur de ce projet. N’oublions pas non plus ceux qui ont permis la réalisation de notre nouveau site : la Fondation Pierre Bergé-Yves-Saint-Laurent qui nous a attribué une subvention, Olivier Flaviano qui a soutenu cette demande ; Loïc Schwaller, concepteur du site, Martin Ipuy pour son aide et Jean-Bernard Peyronel en charge de l’édition papier.
Nous souhaitons également remercier les contributeurs de ce
numéro. En premier lieu les auteurs des articles mais aussi Annie Guédras,
experte de l’œuvre graphique de Cocteau, qui a enrichi ce volume de précieux
documents, Dominique Marny, présidente du Comité Jean Cocteau, qui nous a
permis de reproduire textes et dessins du poète. Nous n’oublions pas non plus
le soutien apporté par Françoise Leonelli, directrice du Musée Jean Cocteau à
Menton, Emmanuelle Toulet, directrice de la Bibliothèque Historique de la Ville
de Paris. Merci également à Sandra Blachon du fonds Cocteau de l’Université de
Montpellier, à Sandrine Faraut du Musée Jean Cocteau à Menton et à
Marie-Françoise Garion-Roche de la Bibliothèque Historique de la Ville de
Paris, pour leur disponibilité à nous transmettre informations et documents.
[1] Pour la liste des numéros et des contributeurs, voir la rubrique « Archives » de notre site.