Cocteau et la chapelle Notre-Dame-de-France à Londres

Jean Cocteau acquiert une réputation de peintre de fresques à sujet religieux après avoir décoré l’église de Villefranche-sur-Mer. Cette chapelle suscite en effet une admiration unanime au moment de son ouverture au public, au point où le poète se voit proposer immédiatement deux autres projets de décoration, d’abord la chapelle Saint-Blaise à Milly-la-Forêt, puis Notre-Dame-de-France à Londres. Lorsqu’il rend compte de cette dernière proposition dans son journal en septembre 1957 : « On me demande l’église catholique de Londres », il ajoute : « C’est la guerre des églises. Jamais les gens ne pensent à la règle du travail exceptionnel. La série se met tout de suite en marche[1] ». Il ne pouvait prévoir que la « série » des trois chapelles comprendrait également la décoration d’une quatrième – Notre-Dame-de-Jérusalem à Fréjus qui sera terminée par Édouard Dermit – et la réalisation des vitraux pour l’église Saint-Maximin de Metz, tout ceci dans un laps de temps très bref : de 1956 à sa mort en 1963.

Comme souvent chez Cocteau, c’est au hasard d’une rencontre que les choses se décident. Pour notre sujet, la rencontre a été celle avec René Varin[2], alors conseiller culturel à Londres, qui va le solliciter pour décorer une partie de l’église Notre-Dame-de-France à Leicester Square. En plein cœur de la capitale britannique, l’édifice venait d’être reconstruit après sa destruction presque totale pendant la guerre. Le projet de décoration va faire l’objet d’intenses tractations, essentiellement épistolaires entre d’une part Cocteau et l’artisan-peintre Jean Triquenot qui va l’aider dans la réalisation, d’autre part l’ambassade de France à Londres et la communauté des pères maristes de Londres qui doit en référer au siège à Paris[3]. Ces tractations seront longues et compliquées, l’adhésion au projet de Cocteau et de Varin n’allant pas de soi dans la communauté religieuse.

Si la décision finale de confier cette décoration à Cocteau a fait l’objet de longs atermoiements, la réalisation elle-même a été étonnamment rapide. Bien sûr, Cocteau a composé de très nombreux dessins et essais de couleurs préparatoires et Triquenot accompagné de son fils Michel a effectué tous les travaux initiaux en se déplaçant à Londres dès le printemps 1959, mais l’intervention de Cocteau in situ et directement sur la fresque pré-dessinée par Triquenot s’est limitée à deux courtes périodes : une semaine en novembre 1959 et quelques jours avant l’inauguration au début du mois de mai 1960.

Genèse de la chapelle Notre-Dame-de-Londres

C’est à Villefranche-sur-Mer que Cocteau et René Varin vont faire connaissance et c’est après avoir visité la chapelle des Pêcheurs que le conseiller culturel de Londres va suggérer au poète-artiste de bien vouloir considérer la possibilité de décorer une partie de l’église Notre-Dame-de-France de Londres. En 1956, Cocteau a accepté de participer à la réhabilitation de la chapelle de Villefranche qui sera entièrement décorée par ses soins[4]. Une fois terminée, cette magnifique chapelle suscite étonnement et enthousiasme. Elle est photographiée et fait l’objet d’innombrables articles et de reportages de la télévision. Un album reprenant les dessins préparatoires aux fresques est publié par Mourlot. Son succès est tel que les amis de Cocteau se succèdent pour la visiter : Picasso, Chaplin, Aragon et Elsa Triolet… René Varin, qui s’est engagé auprès des pères maristes pour les aider à finaliser la restauration de leur église, évoque alors à Cocteau la possibilité de décorer le vestibule et la chapelle latérale de l’église Notre-Dame-de-France.

Un des problèmes de Cocteau est qu’il ne sait pas dire non[5]. Flatté d’être reconnu comme un peintre de fresques, il répond favorablement à la sollicitation de Varin. Interrogé en mai 1959 par Roger Pillaudin sur ce qui le poussait à faire des fresques, Cocteau répond : « Faire des fresques est comme pour les moines faire du miel et de la liqueur[6]. », ce qui est significatif du poète qui se présente très souvent comme un artisan, assez fier de son bel œuvre. Pourtant, il peste dans son journal en se lamentant de toutes les demandes qui l’accablent. On a longtemps prétendu de manière péjorative que Cocteau était un « touche-à-tout ». Il était en fait hyperactif, toujours en mouvement passant de l’écriture au dessin, du dessin à la correspondance, de la correspondance aux sorties mondaines, des sorties mondaines aux voyages, et les douze dernières années de sa vie, qui ont été couvertes par son journal, nous donnent le tournis tant l’activité du poète s’avère incessante. Déjà en 1922, après avoir achevé Le Grand Écart et Thomas l’Imposteur, mais conscient de cette activité hors-norme, il écrivait à sa mère : « Les gens n’aiment pas qu’on travaille. »Or, de tout temps, Cocteau a travaillé, comme en témoignent nombre de ses amis qui l’ont côtoyé de près[7]. Seule la maladie – Cocteau étant à la fois un vrai malade et un hypocondriaque – le fera baisser de régime et, nous le verrons, le projet londonien en a souffert.

Alors pourquoi René Varin s’est-il passionné pour ce projet et a-t-il pu entraîner Cocteau dans cette aventure ? Après les sévères destructions dues aux bombardements subis par l’Angleterre pendant la guerre, l’église française de Londres – ancien Panorama, l’église est de forme circulaire, ce qui était peu courant – doit sa reconstruction au soutien important de l’ambassade de France. L’ambassadeur Jean Chauvel, lui-même très pratiquant, s’implique dans ce projet, mais c’est René Varin qui propose l’architecte Hector Corfiato[8] pour prendre en main les travaux de reconstruction entre 1953 et 1955. Comme le gouvernement français appuie financièrement le projet, l’ambassade détient alors un véritable droit de regard sur les choix réalisés. Varin fait ainsi commander la tapisserie accrochée derrière le maître-autel, qui représente la Vierge en majesté et dont le carton a été réalisé par Dom Robert[9]. Et c’est lui également qui annonce à la fin de l’année 1956 aux pères maristes que Cocteau serait prêt à offrir des fresques de la chapelle latérale et qu’il leur demande leur thème de prédilection. Les pères maristes sont tout d’abord stupéfaits. Pour eux, Cocteau traîne une réputation sulfureuse et, surtout, il est trop éloigné de la religion pour s’atteler à une représentation tirée des évangiles. Pourtant, Varin se montre insistant, rappelant peut-être la parole du père Couturier[10], décédé depuis peu, qui avait alors été le principal promoteur de ce renouveau de l’Art sacré en France : « Pour sauver l’art chrétien, mieux vaut encore des génies sans foi que des croyants sans talent[11]. »

Ce premier contact va rester pourtant sans suite pendant un an. C’est donc en septembre 1957 que Varin reprend contact avec Cocteau, après de très nombreuses discussions avec les pères. En effet, leur adhésion complète à ce projet va encore prendre un peu plus de temps. Le père Jacquemin, responsable de l’église de Londres, demande son avis au Provincial de Paris qui lui répond le 22 octobre :

Vous me posez une question difficile en me demandant mon accord sur le projet Cocteau. J’en parlerai au conseil, mais je ne pense pas que l’on oppose un non absolu. Il est vrai, j’eus préféré que la chapelle de la Vierge du moins soit traitée par un artiste croyant, ce qui n’est pas le cas. Au reste, il serait bon de vous informer sur place, car il a dû paraître au cours de cette année un Décret déconseillant nettement de faire traiter des motifs religieux dans des lieux de culte par des incroyants[12]

Ainsi des échanges vont avoir lieu entre les deux prêtres pour déterminer s’il est opportun ou non de confier à Cocteau le soin de décorer le vestibule et la chapelle de l’église reconstruite. Le père Jacquemin se refuse à demander son avis à l’évêque de Westminster – « C’est une question qui les dépassera », affirme-t-il. Il suggère qu’un avis soit demandé à l’archevêque de Nice, puisqu’il s’agit du diocèse sur lequel se trouve Villefranche-sur-Mer. D’emblée, il précise également que l’artiste ne souhaite décorer que la chapelle. Le vestibule comprend trop de portes, c’est un lieu de passage. Varin insiste pour que les pères acceptent que Cocteau décore la chapelle. Le père provincial de Paris est très embarrassé : on ne peut décevoir et s’opposer à Varin qui a tant fait pour l’église.

En tout cas, Cocteau commence à travailler sur un premier projet pendant l’hiver 1957-1958 et l’envoie à Londres au début du mois de mars. Varin lui répond alors :

L’ambassade a reçu votre magnifique projet de décoration pour Notre-Dame-de-France. Avant de vous écrire plus longuement, je vous prie d’agréer maintenant notre gratitude et notre admiration profonde [13].

Comme d’habitude, le travail de Cocteau est dense, nourri, intense et les esquisses très nombreuses s’accumulent jusqu’en 1959[14]. Comme pour les autres chapelles, il réalise les études préparatoires sur papier calque, fait de très nombreux essais de couleurs, pariant sur le fait que la couleur redonnera un peu de vie à cette chapelle qu’il estimera toujours assez lugubre, et essaie de résoudre plusieurs difficultés, notamment au sujet des rapports de proportion. La faible hauteur du plafond va lui donner une géniale intuition : ne laisser apparaître du Christ martyrisé que les pieds. Et c’est à ces pieds que se joue le drame sur la fresque centrale. Nous verrons également que la position de l’autel constitue un problème[15] qu’il détournera en le décorant sobrement.

Pour les pères, les choses ne vont pas de soi. Ils vont demeurer très hésitants pendant encore plusieurs mois. Tout d’abord, ils veulent que des personnages masculins soient modifiés, leurs poses étant qualifiées de trop suggestives :

Si l’ensemble nous paraissait heureux, nous avons tous éprouvé, à des degrés divers, quelques réticences à accepter certaines interprétations de l’artiste dans le dessin, en particulier de quelques personnages masculins… Le problème était de les exprimer, de traduire nos premières réactions, de suggérer peut-être quelques corrections sans blesser l’artiste dans son premier jaillissement, sans risquer, éventuellement, un rejet total[16].

Ils vont le répéter à Jean Triquenot, qui a déjà assisté Cocteau pour la salle des mariages de Menton et qui assume une grande partie du travail préparatoire. Triquenot vient une première fois à Londres en mai 1958 et les pères vont donc lui demander plusieurs modifications. À son retour en France, il fait part à Cocteau de leurs demandes, puis répond au père Jacquemin :

Monsieur Cocteau a accepté les changements que nous avions envisagés. Tout d’abord, son regard s’est assombri, puis après quelques objections et une discussion courtoise il a admis nos points de vue. Même les anges seront exclus ! Les candélabres en colombes n’auront que quatre lumières, après en avoir prévu, avec une légère obstination huit puis six ! J’ai fait de mon mieux pour cette cause que je crois belle et suis très heureux du résultat[17].

Dans son journal, Cocteau est moins disert : « Déjeuner aux Lilas avec Triquenot qui arrive de Londres. Les Maristes proposent de changer la place de l’autel, ce qui me donnerait toute la courbe. Il me faudrait donc allonger le thème de la Crucifixion[18]. » Finalement, l’autel ne sera pas déplacé. Le voyage de Cocteau à Londres est prévu pour septembre mais le poète traverse une période difficile de sa vie, sa santé étant très chancelante. « Je ne me vois pas à Londres en septembre, et en vrai, avant le printemps prochain, écrit-il à Triquenot, mais je vous vois à merveille préparant le travail. C’est pourquoi dès mon retour du Cap, je m’efforcerai de faire le dernier panneau de la Vierge[19]. » Il semble ignorer les questionnements des pères qui continuent :

La question de principe. Peut-on confier à Jean Cocteau le projet de renouvellement de la chapelle de la Vierge ? Les pères Bovar, Le Creurer, du Rostu et Jacquemin seraient d’accord pour donner une réponse positive. Le père Reyter donne une réponse négative, non pas à cause de la personne de Jean Cocteau, mais parce qu’il estime ne pas voir ce qu’un changement apporterait de positif à la chapelle, par ailleurs estimée ratée. Pour des raisons financières également : devant le millier de £ qu’exigeraient les transformations préalables et l’exécution du travail, le père Bovar est hésitant, le père Le Creurer est d’avis de tenter[20].

Et ainsi, les tergiversations vont se poursuivre. Varin pousse les pères à prendre une décision et s’adresse pendant l’été 1958 au père Jacquemin :

Je vous prie de trouver ci-joint copie des lettres qu’après notre conversation j’ai adressées à M. Jean Cocteau et à M. Triquenot. Je suis si pressé d’obtenir des réponses de leur part que je n’ai pu vous soumettre ces lettres pour que vous en approuviez le détail, mais il faut vraiment nous hâter et je serais vraiment très heureux que le principe de la décoration fût fixé et accepté avant mon départ en vacances le 12 août prochain. Si nous attendons trop, nous ne ferons rien[21].

Les pères sollicitent à leur tour l’évêque Craven chargé par l’archevêque de Westminster d’examiner le projet. En octobre 1958, un grand pas en avant est réalisé lorsque Craven « a été heureusement surpris par le classicisme du projet. Il s’attendait à trouver un Picasso… Du coup, il veut que [le père Jacquemin] le montre [lui]-même à Monseigneur l’archevêque[22] ». Le plan de financement étant raisonnable, la réponse ne se fait pas attendre : Paris donne le feu vert le 26 octobre. Cocteau va travailler aux dessins préparatoires et aux maquettes pendant tout l’hiver[23]. Le panneau de l’Assomption va donner du souci au père Jacquemin puisqu’un journal londonien publie en avril 1959 un article annonçant que le cardinal avait refusé les dessins. Cocteau a failli tout annuler. Finalement, une petite modification est demandée et le projet redémarre.

À travers ces aléas, il est évident que l’artiste est très contrôlé dans l’exécution des dessins préparatoires et que son choix pour exécuter ces fresques ne va pas de soi. Il continue toutefois à produire des dessins préparatoires, ne cessant de travailler. Au plan matériel, une très grande partie du travail va être déléguée à Triquenot et à son fils[24]. Cocteau charge son collaborateur d’élaborer une maquette de la chapelle : « Sois un ange : avec ton fils, fais-moi une vraie maquette – à l’échelle de l’ensemble de mon travail, construis un autel en carton[25] » et d’ajouter un petit coffret qu’il puisse coiffer d’un autre « comme les coffres du tombeau de Ramsès[26] ». Cette remarque est saisissante tant l’impression que donne la chapelle se rapproche de celle que procure la visite des tombeaux de la vallée des Rois et de la vallée des Reines à Louxor. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Cocteau évoque la similitude de ce type de lieu sacré avec un tombeau égyptien. Déjà au sujet de la chapelle de Villefranche-sur-Mer, il avait déclaré : « Je m’enferme dans ma chapelle avec ce que j’aime comme dans une tombe d’Égypte. Je m’y embaume[27]. »

L’autel pose des problèmes et Cocteau est très hésitant. « Peut-être des simples signes géométriques pour ne pas accabler l’œil d’images et de pléonasmes ? » écrit-il à Triquenot. Il lui demande de poser très légèrement au fusain les lignes de l’ensemble des groupes, de manière à ce que ces traces puissent s’effacer d’un coup de torchon ou de plumeau. À partir de ce dessin léger, il donnera le trait définitif (en noir) puis repassera ces lignes avec les couleurs. Chaque personnage aura sa couleur, ce qui différera de Villefranche-sur-Mer où les personnages sont surlignés en bistre.

Triquenot arrive à Londres le 15 mai 1959 et sera rejoint par son fils Michel le 18. Tous deux vont commencer les travaux de la chapelle de la Vierge. Parallèlement, Cocteau travaille dans le Midi au panneau de l’Annonciation. Cocteau entretient alors une correspondance nourrie avec Triquenot et lui donne de nombreuses instructions. Il faut notamment mettre au point les emplacements et l’enduit apte afin de préparer le décor final[28]. Une fois cette tâche réalisée, il adresse les mesures exactes avec les plans[29]. De surcroît et parallèlement, des exécuteurs peignent au même moment les motifs imaginés par Cocteau dans la chapelle Saint-Blaise-des-Simples à Milly. Le poète a admis que Triquenot se fasse aider par son fils. En aucun cas toutefois il ne tolère que d’autres jeunes se mêlent de préparer les fresques :

Les gosses sont des amours, je les aime, je les estime, mais le travail est du travail et ils ne peuvent encore se mêler d’une de ces graves aventures qui nous obligent à ne rien négliger de la naissance d’une œuvre à sa fin. Un enfant ne pense pas la ligne. Elle reste morte, jusqu’à ce qu’il retrouve le génie que tous les gosses possèdent entre 5 et 9 ans. Continuer le travail sur cette base, c’est ma ruine et un suicide, cela doit passer avant la tendresse fraternelle pour votre famille[30].

Le premier séjour londonien (2-11 novembre 1959)

Triquenot et son fils préparent la chapelle, afin que Cocteau puisse apporter rapidement la touche finale. Celui-ci n’a jamais envisagé de passer beaucoup de temps à Londres comme il a pu le faire à Villefranche. Il est vrai que l’ampleur du travail est bien moindre. La chapelle est petite et les surfaces à décorer limitées. Un indice nous laisse entrevoir que l’essentiel du travail de préparation a été réalisé en amont de la visite de Cocteau. En effet, les Maristes lui proposent d’inaugurer la chapelle alors qu’il n’envisage que d’y passer quelques jours début novembre 1959[31]. Lucide, Cocteau répond que c’est impossible[32]. De plus, sa visite sera non seulement l’occasion de travailler sur les fresques mais aussi de répéter l’Œdipus Rex de Stravinski. Encore la frénésie d’activités[33]. « Peut-être ai-je dépassé la limite permise[34] ? » s’interroge-t-il dans son Journal, à peine arrivé début novembre à Londres, abruti de fatigue, se demandant comment il va pouvoir affronter les jours suivants. « Dans cette chambre d’hôtel, je me sens perdu, incapable de faire ce que je vais faire (…) Présentement l’idée d’Œdipus Rex en public et des fresques me semble folle et absurde [35]. »

Toutefois, comme à son habitude, Cocteau, va reprendre courage et se mettre tête baissée au travail. Le déclic est un échange téléphonique avec le père Jacquemin :

J’ai entendu au téléphone la voix du RP. Jacquemin. Une voix charmante, jeune, franche et gaie. Cela m’a regonflé le courage. J’aimerais travailler pour cet homme-là et lui rendre service, mais il me croit capable de miracles alors que ces soi-disant miracles qu’on m’impute ne résultent que de ma puissance de travail. On ne peut réussir en cinq jours une besogne de cinq mois ou de cinq ans. Ce serait faire preuve d’un de ces tours de force que je déteste et qui ne sont admissibles que si Picasso les exécute (Ménines) [36].

On retrouve tout Cocteau dans ces lignes : le don de rebondir en dépit du harassement, la tentation du sentimentalisme ou de l’affect, le complexe d’infériorité vis-à-vis de son ami terrible de toujours (Picasso), suivi immédiatement du défi relevé puisqu’il terminera en effet les fresques en quelques jours. Il entame le travail dans la chapelle le mercredi 4 novembre, avec Triquenot et son fils Michel. Cocteau dispose d’extraordinaires facultés de concentration et il va terminer la chapelle en huit jours. À soixante-cinq ans de distance, il nous est impossible d’imaginer l’intérêt, l’excitation de la presse et des curieux qu’il convient de tenir à l’écart du travail. La princesse Margaret, sœur de la reine Elizabeth, qui a fait la connaissance de Cocteau en avril 1959 à l’ambassade d’Angleterre à Paris, ne cesse de téléphoner pour organiser une rencontre et pour le voir au travail. Les photographes font un tel assaut qu’il a fallu rapidement construire autour de la chapelle une haute palissade en bois pour protéger l’artiste Tous les matins, Cocteau arrive à 10 heures, vêtu d’une grande cape grise. Son premier geste est pour la statue de Notre-Dame-de-Lourdes à qui il offre un cierge et où il se recueille quelques instants avant de reprendre le travail[37]. Pourtant, lorsqu’on lit son journal, on est étonné du peu d’intérêt que suscite en lui cette chapelle qu’il qualifie de « plus laide du monde ». En dépit de cette apparente indifférence, il est évident que Cocteau travaille beaucoup lorsqu’il est dans la chapelle. Il souligne le problème de la couleur : chacun des traits qu’il dessine va être surligné de couleur, ce qui donne à l’ensemble, peut-être davantage que dans ses autres décorations de chapelle, une manière de bande dessinée, rappelant vaguement les récits en image des fresques italiennes du Quattrocento. « Ce qui donne quelque force au triptyque, c’est que je ne place pas les figures selon les perspectives mais avec volontairement des fautes de perspectives », ce qui nous renvoie à la notion de faute salvatrice que l’on retrouve souvent dans l’art et dans l’écriture de Cocteau. Évidemment, la presse locale couvre l’évènement. Cocteau y confie que, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, il trouve le travail sur la fresque de Londres plus difficile que celui de Villefranche. Les dessins de la chapelle des pêcheurs étaient plus faciles à réaliser parce que la surface était souvent courbée et le trait des personnages s’y fondait mieux.

À la suite de cette première intervention – essentielle – sur la chapelle, Cocteau le sentimental va laisser à ses hôtes quelques dessins et des lettres. Deux d’entre elles, destinées au père Jacquemin et à Yves Le Creurer, sont particulièrement symptomatiques de l’amitié que Cocteau entretient à toute occasion :

Mon Père[38],
Je suis triste de partir comme si le mur de la chapelle m’avait attiré dans un autre monde –mais ce monde n’est-il pas le nôtre, peuplé d’amis nobles et de cœurs fidèles ? Je vous embrasse.
Jean Cocteau [Étoile]

*

Mon cher Yves Le Creurer[39],
Je n’oublierai jamais ce cœur grand ouvert de N.D. de France et la place que vous m’avez permis d’y prendre.
Votre fidèle Jean [Étoile]

Bien que non terminée, la chapelle est désormais ouverte au public. « Après le 11 (novembre), écrit le père Jaquemin au Provincial de Paris, j’enlèverai les barricades et la chapelle sera livrée à la dévotion[40] ». Le Général de Gaulle viendra se recueillir et admirer la chapelle lors de sa visite d’état en avril 1960.

L’œuvre[41]

La fresque s’organise en trois parties, l’Annonciation sur le mur de gauche, la Crucifixion sur le mur de face, l’Assomption sur le mur à droite, chacune centrée sur la personne et le visage de la Vierge. Cocteau est un adepte de la ligne claire dans son dessin. Le tracé est simple, souple. Ses personnages sont le plus souvent de profil ou de trois-quarts., mais aucun personnage ne regarde le peintre : il s’agit là de trois scènes closes, à contempler, qui n’invitent qu’assez peu celui qui regarde à pénétrer dans l’histoire qui lui est racontée.

L’Annonciation a été composée en dernier. Elle s’inspire du passage de l’Évangile de Luc, 1, 26-38. L’ange apparaît au premier plan, d’une dimension importante par rapport à la Vierge, au trait estompé et aux yeux fermés, en arrière-plan. Un bouquet de lys, symbole de pureté, sépare les deux personnages. Pour Yves Le Creurer, qui ne quitte pas notre poète pendant toutes ses journées de travail dans la chapelle, la scène se lit ainsi :

Au jour de l’Annonciation, tu es encore une beauté inachevée. L’Ange, lui, je le dessine en traits forts et puissants, car lui, c’est déjà le réel, le réel et l’invisible, la seule consistance. Toi, Marie, tu émerges à peine dans notre monde de brouillard… Je te fais en traits légers… Tu es l’œuvre encore inachevée de la Grâce.

Le sujet est très légèrement rehaussé de couleurs, essentiellement du blanc, passé au pinceau sec. Le trait, souple, souligne l’essentiel.

La Crucifixion représente une scène longiligne. Du Christ crucifié, nous ne voyons que les pieds, ce qui en fait une représentation unique. Les personnages sont traditionnels des Évangiles : les soldats romains, qui gardent les corps en croix mais qui semblent fatigués et qui jouent la tunique de Jésus au dé, Marie et les saintes femmes, Joseph d’Arimathie, figure énigmatique qui observe la scène, presque halluciné. Quatre éléments de cette fresque méritent notre attention toute particulière. Tout d’abord Cocteau s’est dessiné et mis en scène dans la fresque, à l’instar d’une pratique des peintres de la Renaissance. Nous noterons que ce portrait est peu flatteur. On sait que Cocteau détestait son image vieillie, ce que plusieurs passages du Passé défini attestent[42]. Le deuxième élément, qui jouxte le portrait de l’auteur est le faucon dessiné comme un hiéroglyphe. L’atmosphère de la chapelle est celle d’un tombeau de la Vallée des Rois, d’autant plus que Cocteau évoque Ramsès à propos de la maquette entière du projet (cf. supra). Le troisième élément est cette énorme rose aux pieds du Christ, qui recueille le sang du fils de Dieu et qui répond aux lys de l’Annonciation. Certains y voient une allusion aux Rose-Croix et au goût du poète pour l’occultisme[43], d’autres à la rose de Sharon qui représente le mystère de l’incarnation, rose sans épine, fleur entre les fleurs, immaculée conception, symbole aussi du Paradis[44]. Mais rappelons que la rose est le symbole de l’amour et de la passion. Le quatrième élément, de loin le plus intéressant est le soleil noir, véritable oxymore en image[45], rappelant le motif du poème « El Desdichado » de Gérard de Nerval, mais représentant aussi la prophétie de l’évangéliste Jean dans l’Apocalypse. Notons l’extraordinaire posture du personnage féminin aux yeux exorbités et sans doute aveugle qui lève la tête vers le ciel. Il n’est pas sans rappeler celui au premier plan de la tapisserie Judith et Holopherne réalisée en 1951. L’ensemble apparaît à la fois hétérogène et évident. C’est sans doute une des scènes de Crucifixion les plus saisissantes qu’il ait été donné de connaître.

L’Assomption est glorieuse, en mouvement et portée en musique par trois anges. Les couleurs, en moins grand nombre que dans la scène centrale, font écho à celles de l’Annonciation. Cette élévation glorieuse rappelle aussi la scène finale de la Belle et la Bête. En 1960, Cocteau signera son œuvre de D.D.D. : Delineavit pour « a dessiné », Dedicavit « a consacré », Donavit « a fait don », lors de sa dernière venue à Londres à l’occasion du mariage de la princesse Margaret.

Le deuxième séjour (mai 1960)

Lorsqu’il revient à Londres, Cocteau fait part de sa déception dans son journal : « J’ai vu ce matin ma fresque. Je la trouve faible et trop grattée. J’ai repris des lignes et des taches pour leur rendre de la force[46]. » Le dimanche 10 mai, la chapelle est inaugurée à la fin de l’office (messe pour Jeanne d’Arc). La description humoristique que fait Cocteau de cette bénédiction frise le grotesque :

Tout cérémonial religieux prend à Londres un air chinois. Les évêques rouges, les enfants de chœur en bleu, les prêtres en chasubles blanches bizarrement brodées de mauve et noir, les chaires de marbre et la très étrange psalmodie des chants liturgiques, derrière l’ambassadeur en jaquette et tube noir, cet ensemble correspondant si peu avec le style de notre époque devenait le comble de la bizarrerie (…) Les évêques ont béni mon travail et nous avons traversé l’église à la queue leu leu jusqu’à la crypte, dancing où le père Jacquemin offrait un vin d’honneur. Pendant toute la messe, le père Jacquemin était écarlate et comme porté par les anges. Il m’a loué en chaire et s’engageait dans des phrases dont il ne parvenait plus à sortir, mais on sentait une véritable reconnaissance [47].

Au total, Cocteau n’est pas si mécontent de son œuvre :

Ce matin, avec le recul, les fresques paraissaient revivre comme un coquillage replongé dans l’eau. Elles mettent dans cette église si froide une sorte de nacre qui ne va pas jusqu’à la perle mais qui la réchauffe un peu[48].

En revanche, il n’est pas tendre avec la tapisserie de Dom Robert « mélange de Lurçat et de Walt Disney, une Vierge entourée d’animaux et qui ressemble à Blanche-Neige[49] ». Et il conclut, conscient de ses limites :

J’ai dit à la radio que je n’étais pas peintre mais que je pouvais me permettre de peindre puisque Jeanne d’Arc qui ne savait pas écrire parlait une langue admirable. Cela ne veut pas dire que je trouve mon œuvre aussi belle que ses paroles, mais qu’il est possible de s’exprimer sous une forme savante même en ne sachant rien pour peu qu’on le fasse avec cœur[50].

Quant au père Jacquemin, aux anges donc mais sans doute soulagé que tout cela prenne fin, il écrit au Provincial de Paris :

12 mai. Juste un petit mot pour vous dire que tout va bien. Les cierges sont éteints, les évêques sont repartis. Il reste une grosse fatigue. Lundi, déjeuner avec Cocteau et les siens. Ce fut très sympathique. Cocteau a été impressionné par le nombre des fidèles à l’office solennel. Je crois que cela lui a fait du bien. Trois dessins. Un pour tous, un pour Elisabeth, un pour Christ. Cocteau était très fatigué lundi. Au courrier de ce midi, j’ai reçu une grande feuille illustrée par lui, avec ces mots : « Merci mon père de tout cœur. » Quel personnage bizarre. Comment l’amener à une expression plus vraie de la Foi. J’aurais tant de peine à ce qu’il disparaisse (71 ans) sans faire un pas de plus. Intention de prier[51].

Les ailes-chandeliers

Le poète avait promis aux pères un ornement d’église : deux ailes-chandeliers qu’il ferait confectionner par les Jolly-Madeline[52] destinées à être fixées sur l’autel. Cette promesse tarde à se concrétiser[53]. Pourtant, le 19 novembre 1961, il écrit de Paris :

Mes chers amis
Les ailes-chandeliers sont enfin, après 7 ou 8 essais, sorties intactes du four. Ce sont des merveilles, mais fragiles. Reste à mettre l’émail et la monture de fer pour les cierges.

Suivent des détails pratiques et deux petits schémas pour expliquer comment ces ornements pourront être fixés sur l’autel[54]. Tout ceci montre qu’en dépit de sa relative déception, Cocteau qui avait promis ces ornements n’oublie pas ses amis et qu’il honore, presque deux ans après son dernier séjour à Londres, son engagement. Malheureusement, pour une raison inconnue, ces ailes-chandeliers ne sont jamais parvenues à Londres. Mais la persévérance et l’intention de respecter jusqu’au bout ses hôtes étaient bien là.

Jean Cocteau et l’illustration des Écritures : une énigme

Baptisé, Cocteau a reçu une éducation catholique. Toutefois, c’est sans doute beaucoup plus tard que son intérêt pour les récits du Nouveau Testament s’est affirmé. Max Jacob lui fait part en février 1922 de sa découverte des visions d’Anne Catherine Emmerich traduites par Clément Brentano en 1823, livre que Max Jacob qualifie « d’inouï, parce qu’[il] n’a jamais vu de plus renversant… c’est le génie de la mystique en couleurs. C’est fou[55] ». Et Cocteau n’a de cesse de pouvoir mettre la main sur cet ouvrage, alors très difficile à trouver. C’est grâce à Honoré Champion, qui lui offre les six volumes (traduits par l’abbé de Cazalès en 1860) deux ans plus tard[56], qu’il peut alors s’imprégner de la vie et de la Passion du Christ mais aussi de la vie de la Vierge Marie. Il s’agit d’un ouvrage d’une mystique dont on sait qu’elle a toujours été source d’inspiration pour les Maritain. Ces « visions » conviennent parfaitement tant à Max Jacob (qui s’en inspirera lorsqu’il dessinera les étapes de la Passion du Christ[57]) qu’à Jean Cocteau. C’est cette vision surnaturelle qui lui paraît la plus féconde, la religion l’ayant selon lui largement affadie, dénaturée ou corrompue

Un des problèmes soulevés par la commande de Londres relève de l’adhésion – serait-elle fluctuante – de Cocteau à la foi chrétienne. Dans une lettre à l’abbé Mugnier du 3 novembre 1922, il avait écrit à propos du personnage de Jacques dans Le Grand Écart : « Bref, j’ai voulu (autant qu’on veuille) montrer combien une âme religieuse et sans foi se gaspille et souffre de contacts entre lesquels rien ne la protège et vers qui, même, tout l’attire[58]. » Par la suite, l’épisode du retour à la foi avec Jacques Maritain avait été de courte durée, Maritain constatant lui-même avec sévérité : « Mais je crains qu’il ne revendique pour son mal droit de cité chez Dieu, et qu’il ne veuille appeler bien le mal et mal le bien[59] ». Pourtant, dans la dernière partie de sa vie, Cocteau entretient avec le mystère chrétien une proximité jamais égalée. Outre les fresques, plusieurs poèmes, notamment La Crucifixion et Le Requiem, font référence aux thématiques chrétiennes. Lorsque Julien Green lui rend visite après sa seconde crise cardiaque au printemps 1963, il remarque une image de la Vierge au-dessus du lit du poète et un crucifix sur sa table de chevet[60]. À l’instar de Jean-Marie Magnan, on peut donc constater que sur ce sujet « la position de Cocteau est bien ambiguë, bien boiteuse – comme l’Ange, comme Jacob[61] ».

À ce sujet, Cocteau répond : « Pour moi il n’y a que le christianisme. Le reste est mille fois plus ridicule que la religion des sauvages[62]. » Le christianisme mais très certainement pas l’Église. Ce qu’il met en avant dans la religion chrétienne, c’est la mythologie qu’elle véhicule, le mysticisme également, davantage que la philosophie qu’elle transmet. Quant à Dieu, jusqu’à la fin il exprime ses doutes et réaffirme le mystère, l’interrogation. Un an avant sa mort, il précise son Credo dans son journal :

Dieu ne peut être ni bon ni méchant. Il ne peut qu’être autre chose inconnaissable aux hommes. Il faut bien de l’orgueil aux hommes croyants pour lui prêter les vertus et les vices humains. Et il est sacrilège de chercher des preuves à l’incompréhensible. Si Dieu existe, il est. Sans commencement ni fin. Il me semble drôle de parler d’un Créateur dans le domaine de l’éternel. C’est confondre la mort des cellules et la mort de l’univers. Notre mort ne compte pas dans ce vaste accident biologique dont nous ne pouvons être qu’une poussière sans intérêt[63].

Pourtant en 1959, il écrivait aussi :

Moi qui aimerais l’idée de dieu, je mets cette réponse de Laplace au-dessus de toutes les religions de l’Orient et de l’Occident :
– Bonaparte : Pourquoi dans votre livre, Dieu n’est-il pas nommé ?
– Laplace : Cette hypothèse ne m’était pas nécessaire[64].

Que de contradictions, témoignant par là inquiétude, incertitude, quête, doute et finalement profonde humilité. Et répondant à Roger Stéphane au printemps 1963 à une question sur ses relations avec les Maritain, il lâche :

Mais je n’aimerais pas parler de religion ; même si on a les mains propres, on touche toujours le Christ avec des mains sales. Ma culture religieuse est du reste très réduite. Je lis les Évangiles, parce que, même allongés d’eau, ils conservent leur force de frappe, leur puissance d’anarchie[65].

Cocteau n’est certainement pas agnostique, mais fermement défiant vis-à-vis des religions, et notamment la religion catholique :

Si ces sommités ecclésiastiques avouaient que le Christ n’est qu’un génie et un cœur, leur enseignement sauverait peut-être le monde. Mais le christianisme est devenu catholicisme et le catholicisme est un parti politique comme un autre[66].

Sa défiance vis-à-vis de l’institution traverse toute son œuvre et trouve son illustration la plus éclatante dans la pièce Bacchus. En revanche, la quête spirituelle irrigue sa poétique, même s’il s’agit d’une quête non orthodoxe[67]. Son imagination, qui lui a fait construire un système poétique, articulé autour de mythes antiques mais aussi d’un récit qui lui est propre – l’ange Heurtebise ou Cégeste –, inclut également le mystère chrétien comme une composante de son monde.

Cocteau dialogue avec les figures de la chrétienté. Il en est familier et il les nomme, les interroge, les implore en consolation. Yves Le Creurer, père mariste présent aux côtés de Cocteau pendant la semaine que le peintre-poète a consacrée à la chapelle de Londres en novembre 1959, en témoigne :

Il ne me reste de ce contact unique avec lui le seul regret de n’avoir pas eu les moyens d’enregistrer les commentaires, les paroles dont il accompagnait ses pinceaux. Il était assez étonnant de l’entendre interpeller ses personnages, tandis qu’il en élaborait les traits, les coloris, les nuances. C’était, à pleins flots et en totale spontanéité, un véritable dialogue qu’il entretenait avec le mur de la chapelle, avec des mots de poète qui paraissaient jaillir d’une sorte d’exaltation intérieure. Sa joie, une joie réelle, s’exprimait surtout à l’adresse de la Vierge de l’Annonciation, tandis que dans un saisissant face-à-face, du haut de son escabeau, il lui disait par exemple : « Ô Toi, la plus belle des femmes, créature la plus belle de Dieu, tu as été la plus aimée. Je veux que tu sois aussi la plus réussie… »[68].

Cocteau entretient par conséquent un dialogue personnel avec le Christ, Marie, les Saints, dialogue largement sous-tendu par une connaissance certaine des Évangiles. Ce dialogue confine parfois à l’appropriation, d’aucuns pourraient appeler cela blasphème. Le poète n’hésite pas à s’identifier au Christ :

Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même et le père qui demeure en moi, c’est lui qui fait les œuvres (Jean). J’avais oublié cette parole capitale du Christ et lorsque je parle du maître qui fait mes œuvres et que je pense que c’est un autre moi –cet autre moi est divin comme l’est chaque homme dans sa propre nuit où se cache son vrai visage de Fils de Dieu[69].

Conclusion

Peu après le décès du poète, le 11 octobre 1963, le père Jacquemin écrit un très beau texte à la mémoire du poète dans L’Écho de Notre-Dame-de-France qu’il conclut ainsi :

Aujourd’hui, dans la vie éternelle où il est entré, il sait à quoi peut servir la poésie aussi bien que toute forme d’art. tout ce qui est beau représente quelque aspect de Celui qui a créé l’univers et a sauvé l’homme du mal ; demandons à notre Sauveur, le Christ Jésus, qu’il daigne accorder, à l’intercession de la Vierge Marie glorifiée ici par son serviteur Jean Cocteau, que celui-ci participe à la lumière éternelle en laquelle tout prend son sens, le vrai, celui que Dieu donne à ce qu’il y a de meilleur de l’homme[70].

Sans doute le poète n’en demandait-il pas autant. Mais il l’avait bien cherché.

Annexes : Lettres de Jean Cocteau au père Jacquemin et à Jean Triquenot.

1. Lettre à en-tête – Santo Sospir / Saint-Jean Cap-Ferrat – adressée au père Jacquemin le 10 janvier 1959.

Mon Père,
Monsieur Triquenot possède actuellement tous les projets du triptyque :
L’annonciation
La mère douloureuse
L’assomption
Je ne demande pas mieux que de trouver un motif pour remplacer la mosaïque, mais de quelle manière camouflera-t-on l’autel ?
Peut-être faudra-t-il le mettre comme dans une sorte de caisse ? Dites-moi votre idée.
Je travaille à mon film en avril et mai. Peut-être faudra-t-il retarder notre projet. M. Triquenot m’avait dit que l’église et l’ambassade manquaient des fonds nécessaires (il est bien entendu en ce qui me concerne que j’offre toute cette décoration).
Croyez, mon Révérend Père, à mon respectueux et fidèle souvenir et à mes vœux de joie.
Jean Cocteau [Étoile]

2. Lettre adressée au père Jacquemin le 2 février 1959.

Mon Père,
Il faut prier pour votre pauvre poète. Après une hémorragie intestinale me voilà sur le dos pour de longues semaines.
Avant-hier j’ai écrit à Triquenot de me construire une maquette exacte de notre décor et d’y placer l’autel afin que je voie la manière de raccorder mon dessin d’autel à l’ensemble.
Je suis heureux d’apprendre que les travaux commencent. Ainsi, après ma maladie et mon film en avril, je pourrai tout mettre en train et terminer à Londres.
De cœur à vous,
Jean Cocteau [Étoile]
[Dans la marge gauche :] Excusez mon écriture de malade.

3. Lettre adressée de Saint Moritz-Suvretta au père Jacquemin en mars 1959.

Mon Père,
Me voilà mieux, mais pas encore très solide. J’ai écrit à Triquenot le chemin à suivre. Il devrait ébaucher légèrement au fusain le tout (sauf l’autel que je me réserve de faire plus tard d’après l’ensemble) et ensuite, sur ces lignes fantômes, je ferai les lignes définitives. Le travail peut donc commencer sans moi – à condition que vous posiez une sorte de paravent autour du travail afin que le public ne prenne pas l’ébauche très faible pour l’œuvre définitive.
On peut donc commencer le tout sans moi, et selon les dates de mon film et ma santé, j’irai en 8 ou 15 jours achever la besogne à Londres. Probablement en juin.
De cœur votre Jean Cocteau [Étoile]
[Au bas en marge et écrit à l’envers :] J’aimerais aussi qu’on construise la caisse qui recouvrira l’autel.

4. Lettre adressée de Milly la Forêt à Jean Triquenot le 7 juin 1959.

Très cher Triquenot,
Voilà. Je ne pourrai me rendre à Londres qu’en juillet avec vous. Ici, à Milly, sans vous ce serait une catastrophe. Je propose de leur faire engager Gaou et que vous fournissiez les couleurs – car avec un mauvais dispositif ils ont projeté en déformant et j’ai toutes les peines du monde à retrouver mon style. Les lignes sont chacune de plusieurs couleurs. Vous devinez la catastrophe si des amateurs s’y mettent. Répondez-moi vite à Paris, 36 rue de Montpensier, Palais Royal.
Je vous embrasse,
Jean [Étoile]
[Dans la marge gauche :] Je serai à Villefranche pour la Saint-Pierre le 29 à 11h du matin. Venez.
[Au bas de la marge droite, entourant le texte principal :] Si vous veniez quelques jours en août, on finirait la besogne en 5 jours. Et je vous invite chez moi (voyage payé bien sûr). Répondez-moi. Si un de vos gosses voulait prendre un bon repos, qu’il vous accompagne.

5. Lettre adressée de Saint-Jean Cap-Ferrat aux pères maristes de Londres le 27 juillet 1959.

Mes très chers amis,
Ne croyez pas qu’il y a dans mon recul l’ombre d’une défaillance. Mais j’estime que l’ébauche déjà faite n’est rien, sauf une base, et que je ne peux coup sur coup imaginer la chapelle « Saint-Blaise-des-Simples » de Milly et celle de Londres.
Depuis hier je cherche pour vous des visages et des lignes. En outre j’ai travaillé ce soir avec mes céramistes afin de meubler l’autel. J’ai décidé de faire les candélabres en forme d’ailes[71] et au centre un tabernacle qui serait l’œuf virginal de Piero de la Francesca[72] en haut d’une mince tige d’or.
C’est après mon film (peut-être entre le tournage et le montage) que je compte venir à Londres et prier l’ambassadeur d’y venir comme un ouvrier, comme un artisan, avec promesse de ne me soumettre à aucune contrainte mondaine, même avec la Cour. Je veux travailler et dormir après le travail, car c’est la seule manière de vous donner une œuvre.
De cœur à vous Jean Cocteau [Étoile]

6. Lettre adressée de Saint-Jean Cap-Ferrat au père Jacquemin le 12 octobre 1959.

Mon Père,
J’attache trop de prix au travail que vous avez bien voulu me confier pour le traiter à la légère. Le 8 (outre les répétitions avec Stravinski) m’obligerait à une tâche qui serait préjudiciable au résultat.
En outre ce serait peu aimable vis-à-vis des Madeline, mes potiers, qui doivent exécuter mes candélabres. La sagesse (due à la Vierge) serait d’attendre Noël ou quelque grande fête en son honneur. Je serai à Londres le 2 et je vous demanderai de faire en sorte que je puisse travailler même la nuit sans obligation mondaine. J’ai déjà écrit dans ce sens à l’ambassadeur et à mes camarades d’Oxford.
Ce que vous avez vu n’est que la très vague ébauche de ce que je compte faire. Il ne s’agit pas de « finir » une besogne mais de la créer.
De cœur à vous,
Jean Cocteau [Étoile]

7. Lettre adressée de Saint-Jean Cap-Ferrat au père Jacquemin le 5 juillet 1960.

(Mon anniversaire – hélas !)
Mon Père
Je viens de voir le moule de la première aile (sans l’émail des plumes) et je le trouve magnifique. Madame Madeline a fait un incroyable travail de patience et vous aurez un ornement d’autel digne de votre culte et de la Vierge. Bien que vastes (il le fallait), les ailes ne cacheront pas la fresque et donneront fière allure à l’ensemble.
Ce qui m’inquiète dans le futur c’est le transport Paris-Londres car la moindre cassure serait un drame irréparable.
Croyez-vous que la valise diplomatique se chargerait des caisses ? Ce n’est certes pas pour demain – mais j’aimerais dès maintenant avoir une certitude.
En voyant le moule de l’aile gauche, j’ai imaginé votre joie et ce fut un beau cadeau d’anniversaire.
Votre fidèle
Jean Cocteau [Étoile]

8. Lettre adressée de Saint-Jean Cap-Ferrat aux pères maristes de Londres le 16 juillet 1960.

Chers amis,
Hier j’ai été voir comment se comportait le moule de l’aile n°1. Ce moule tarde à sécher et je suppose qu’il n’ira pas encore cette semaine dans le four. Mais même si les Madeline déménagent et vivent en Bretagne, les deux ailes seront faites.
Votre fidèle Jean Cocteau [Étoile]
[Au dos :] Merci pour votre demande à l’ambassade (valise).

9. Lettre agrémentée d’un croquis des ailes-chandeliers et adressée du 36 rue de Montpensier (Palais-Royal) aux pères maristes de Londres le 19 novembre 1961.

Mes chers amis,
Les ailes-chandeliers sont enfin, après 7 ou 8 essais, sorties intactes du four. Ce sont des merveilles, mais fragiles. Reste à mettre l’émail et la monture de fer pour les cierges. Je les exposerai d’abord à Paris et vous les enverrai ensuite. Le tout devra donc attendre la saison prochaine.
Les ailes seront fixées sur l’autel par la base des montures de fer et percées de telle sorte que la pointe des ailes dépasse à droite et à gauche. Il y aura six bougies dont la flamme sera presque seule visible.
Je suis heureux que ce travail ne soit plus du domaine des rêves et vienne achever et embellir notre don à la Vierge.
De cœur, votre Jean Cocteau [Étoile]


[1] Jean Cocteau, Le Passé défini V, Paris, Gallimard, 2006, p. 718.

[2] René-Louis Varin (1896-1976), agrégé d’anglais, chef d’établissement puis conseiller culturel à l’ambassade de France à Londres de 1945 à 1959, enfin inspecteur général de l’instruction publique, a consacré toute sa carrière à diffuser la culture française en France et en Grande Bretagne. Pendant la Seconde guerre mondiale, il s’est illustré par des actes de résistance. À Vichy, il s’est chargé de l’organisation d’évasions de France de plus de 300 personnalités juives ou en danger. Sa méthode était de leur envoyer de faux télégrammes les invitant à venir faire des conférences dans des universités américaines. Il a contribué ainsi à sauver Marc Chagall et sa famille. En 1942, suspecté, il est incarcéré dans la région parisienne par la Gestapo du 8 mars au 23 novembre et finalement relâché faute de preuves. Après la guerre, en Grande-Bretagne, où son action a été particulièrement nourrie, il a fondé la Maison française d’Oxford, l’Institut français d’Écosse, accompagné la revue French Studies éditée à Oxford. On lui doit également la construction d’un bâtiment qui a permis au lycée français de Londres de doubler ses effectifs, la « résurrection » de l’Alliance française en Angleterre et enfin il a été en charge pour le compte de l’ambassade de superviser la reconstruction de l’église Notre-Dame-de Londres à Leicester Square. Nous remercions tout particulièrement Monsieur Yves Brocard, petit-fils de René Varin, de nous avoir communiqué ces renseignements.

[3] Les Maristes sont un ordre religieux fondé en 1816 à Lyon et regroupant cinq catégories : les pères maristes, les frères maristes, les sœurs maristes, les missionnaires et les laïcs, réunis par le culte de Marie.

[4] Pour une description détaillée de la réalisation de cette œuvre exemplaire, voir Jacques Biagini, « La Chapelle des pêcheurs », dans Jean Cocteau et la Côte d’Azur, Cahiers Jean Cocteau, nouvelle série n°9, Paris, Non-Lieu, 2011, p. 49-61.

[5] Après la réalisation de la chapelle et son inauguration, Cocteau sera sollicité par la BBC pour décorer son studio d’enregistrement. Il ne donnera pas suite à cette demande. « Si j’acceptais tout ce qu’on m’offre, plusieurs vies n’y suffiraient pas et le peu que j’accepte ne m’attire que des bastonnades », écrit-il dans son journal (Le Passé défini VII, Paris, Gallimard, 2012, p. 514).

[6] Cocteau, Le Passé défini VI, Paris, Gallimard, 2011, p. 548 [samedi 30 mai 1959].

[7] Sur ce travail incessant et la méthode de Cocteau, on consultera avec intérêt les pages de souvenirs qu’Yvon Belaval a confié aux Cahiers Jean Cocteau n°3, Paris, Gallimard, 1972, p. 83, ainsi que le témoignage d’André Fraigneau dans les Cahiers Jean Cocteau n°1, Paris, Gallimard,1969, p. 80.

[8] Hector Corfiato (1892-1963), architecte d’origine grecque qui a fait ses études à Paris, puis a enseigné à l’University College of London de 1946 à 1959.

[9] Dom Robert (1907-1997), moine bénédictin de l’abbaye d’En-Calcat au pied de la Montagne Noire et élève de Jean Lurçat.

[10] Marie-Alain Couturier (1897-1954), prêtre dominicain, artiste et théoricien de l’art sacré.

[11] « Entretien avec le P. Couturier », Connaissance des arts, n°10, déc. 1952, p.26-27.

[12] L’ensemble des correspondances du père Jacquemin, supérieur de Londres au Provincial à Paris, est conservé aux Archives de l’ordre des maristes sous la référence « Carton F1302 ND de France, courriers reçus par le provincial de Paris (1953-1977) ». Nous avons pu bénéficier de l’aide du père Bernard Bourtot, aujourd’hui décédé, qui nous a permis d’accéder en 2016 à ces archives conservées alors à l’église Notre-Dame-de-France et désormais à Lyon.

[13] Cocteau, Le Passé défini VI, op. cit., p. 88.

[14] En 2002 a eu lieu la dispersion d’une partie de la collection Triquenot à Cannes qui témoigne de cette profusion. Voir le catalogue de vente Jean-Pierre Besch, Hommage à Jean Cocteau, dimanche 31 mars 2002.

[15] Voir les lettres de Jean Cocteau au père Jacquemin en annexe.

[16] Communication à notre adresse du père Yves Le Creurer – à l’époque témoin actif et favorable à Cocteau.

[17] Lettre de Jean Triquenot au père Jacquemin, 24 mai 1958, Archives maristes.

[18] Jean Cocteau, Le Passé défini, VI, op. cit., [samedi 24 mai 1958], p. 153.

[19] Lettre de Cocteau à Triquenot, 17 août 1958, catalogue Artcurial du 13 décembre 2012.

[20] Lettre du père Jacquemin au Provincial de Paris, 4 juin 1958, Archives maristes.

[21] Lettre de René Varin au père Jacquemin, 30 juillet 1958, Archives maristes.

[22] Lettre du père Jacquemin au Provincial de Paris, 23 octobre 1958, Archives maristes.

[23] Il est symptomatique que Cocteau, dès le démarrage de son travail, précise au père Jacquemin qu’il accomplira cette œuvre gracieusement : cela traduit une fois de plus comme pour Villefranche un réel désintéressement du poète pour une rémunération, d’autant plus qu’il sait que les pères ne disposent pas de sommes importantes pour cette réalisation. En revanche, il tiendra à ce que Triquenot et son fils soient défrayés correctement.

[24] L’ensemble des coûts est supporté par la communauté mariste qui dispose d’une provision de £1000 à cet effet (soit à peu près 1MF de l’époque). Ils comprennent les déplacements et l’hébergement de Triquenot et de son fils – qui resteront 45 jours pour le travail de préparation –, le salaire de Triquenot, les frais relatifs aux fournitures, les déplacements de Cocteau et son hébergement mais aucun salaire au poète qui a d’emblée déclaré qu’il ne demandait rien pour ce travail sur lequel il aura passé un nombre incalculable d’heures de préparation des dessins et sur place de la finalisation de la fresque. Cette gratuité estomaque certains observateurs. Ainsi, dans The Universe du 13 novembre 1959, le journaliste qui couvre l’évènement de la venue de Cocteau titre : « Jean Cocteau paints a London chapel … and does not charge a penny ! »

[25] Lettre de Cocteau à Triquenot, 10 mars 1959, vente Artcurial 2012.

[26] Lettre de Cocteau à Triquenot, 9 mars 1959, vente Artcurial 2012.

[27] Cocteau, Correspondance avec Jean-Marie Magnan, Paris, Belfond, 1981, p. 99.

[28] Lettre de Cocteau à Triquenot, 16 avril 1959, vente Artcurial, 2012.

[29] Lettre de Cocteau à Triquenot, 28 avril 1959, vente Artcurial, 2012.

[30] Lettre de Cocteau à Triquenot, 9 avril 1959, vente Artcurial 2012.

[31] Le père Jacquemin écrit au Supérieur le 8 octobre 1959 : « Le Maître doit venir à Londres pour commenter des concerts Stravinski à la BBC les 7 et 9 novembre. Il est probable que le Maître consacrera les quelques jours qui précèdent à la finition du travail. Le 8 novembre, nous avons la messe annuelle pour les défunts qui réunit la colonie. Monseigneur Craven et Monseigneur Boisguérin seront présents. Dans cette période, je verrais assez l’inauguration très simple de la chapelle ce même jour. À l’issue de la messe, bénédiction par Mgr Craven, réception dans la salle, déjeuner au Charing Cross Hôtel. »(Archives maristes).

[32] Voir lettre n°6 de Jean Cocteau au père Jacquemin en annexe.

[33] Pour le détail de ce concert, voir Olivier Rauch, Jean Cocteau, Du côté de l’Angleterre et des Anglais, Paris, L’Harmattan, 2024, p. 298.

[34] Cocteau, Le Passé défini VI, op. cit., p. 683.

[35] Idem.

[36] Ibidem, p. 685.

[37] Communication d’Yves Le Creurer à notre adresse (novembre 2015).

[38] Lettre adressée de Londres le 9 novembre 1959.

[39] Lettre adressée le 15 novembre 1959.

[40] Archives maristes.

[41] Pour une description détaillée de l’œuvre, voir la thèse de Stephen Holford, The Lady Chapel. Notre-Dame-de-France, University of Sydney, 2014.

[42] Par exemple, en février 1956, voir Le Passé défini V, op. cit., p.  56 et 64, ou encore en mai 1958, voir Le Passé défini, VI, op. cit., p. 131 et 143.

[43] Isabelle Le Chevalier, Rendez-vous à Leicester Square, Histoire de Notre-Dame-de-France 1865-2015, Londres, 2015.

[44] Voir Tony Clark, « L’art de Cocteau, un langage de symboles », dans Pierre Caizergues et Pierre-Marie Héron (éd.), Le Siècle de Jean Cocteau, Actes du Colloque de Toronto, Montpellier, Centre d’Étude du XXe siècle/Université Paul-Valéry – Université de Toronto, 2000, p. 45.

[45] Yves Bourquin, Marc, une théologie de la fragilité, obscure clarté de la narration, Genève, Labor et Fides, 2005.

[46] Cocteau, Le Passé défini VII, op. cit., p. 88 (samedi 7 mai 1960).

[47] Ibidem, p. 89.

[48] Idem.

[49] Ibid., p. 90.

[50] Idem

[51] Archives maristes.

[52] Depuis 1957, Cocteau s’est essayé à la céramique grâce à deux potiers, Madeleine Jolly et Philippe Madeline. Pour les 300 œuvres créées avec eux, voir Annie Guédras, Jean Cocteau. Poteries, Catalogue des céramiques 1957-1963, Paris, Teillet et Édouard Dermit coéditeurs, 1989.

[53] Voir les lettres 5, 7 et 8 en annexe.

[54] Voir la lettre n°9 en annexe.

[55] Max Jacob-Jean Cocteau, Correspondance 1917-1944, Paris-Méditerranée, 2000, p. 78.

[56] Jean Cocteau, Lettres à sa mère, tome 2, texte établi et annoté par Jean Touzot avec le concours de Pierre Chanel, Paris, Gallimard, 2007, p. 293-294.

[57] Max Jacob, Visions des souffrances et de la mort de Jésus-Christ, fils de Dieu, Paris, Quatre-Chemins éditeur, collection Maurice Sachs, 1928.

[58] Propos cités dans Francis Steegmuller, Cocteau, Paris, Buchet-Chastel, 1973, p. 218.

[59] Julien Green et Jacques Maritain, Correspondance (1926-1972), Paris,  Plon, 1979, p. 32.

[60] Francis Steegmuller, op. cit., p. 356.

[61] Jean-Marie Magnan, Cocteau, Bruges, Desclée de Brouwer, 1968, p. 29.

[62] Cocteau, Le Passé défini VI, op. cit., p. 275.

[63] Cocteau, Le Passé défini VIII, Paris, Gallimard, 2023, p. 226.

[64] Cocteau, Le Passé défini VI, op. cit., p. 468. Pourtant, il rejette le scepticisme hérité du 18e siècle. Voir à ce sujet Michel Viegnes, « Cocteau ou le mysticisme ambigu », Littératures, Université Mc Gill, n°5, octobre 1990, p. 76.

[65] Roger Stéphane, Portrait Souvenir de Jean Cocteau, propos recueillis pour la RTF, Tallandier, 1964, p. 55.

[66] Cocteau, Le Passé défini V, Paris, Gallimard, 2006, p. 276.

[67] « Cocteau joue volontiers de l’opposition chrétien/catholique », écrit et développe ensuite Jean Touzot dans Cocteau à cœur ouvert, les dernières années, Paris, Bartillat, 2013, p. 163 et suivantes.

[68] Communication à notre adresse d’Yves Le Creurer (novembre 2015).

[69] Cocteau, Le Passé défini V, op. cit., p. 209-210.

[70] Jacquemin, « À la mémoire de Jean Cocteau », L’Écho de Notre-Dame-de-France, n° 92, novembre 1963.

[71] Description agrémentée d’un dessin sommaire représentant les candélabres en forme d’aile et l’œuf sur une tige.

[72] L’œuf que Piero de la Francesca fait figurer au-dessus de la Vierge dans le Retable de Brera et que Cocteau a transposé également dans l’une des séquences du Sang d’un poète. Voir David Gullentops, Jean Cocteau et l’intermédialité, Presses universitaires de Bruxelles, 2024, p. 165.

Pour citer cet article

Olivier Rauch, "Cocteau et la chapelle Notre-Dame-de-France à Londres", Cahiers JC n°23 : Cocteau et l’Angleterre, [en ligne], 2025, 19p, consulté le 26/11/2025, URL : https://cahiersjeancocteau.com/articles/cocteau-et-la-chapelle-notre-dame-de-france-a-londres/