Romancier célèbre, cinéaste admiré, poète reconnu, dramaturge et dessinateur exceptionnel, Jean Cocteau peut être qualifié en deux mots de génie polyédrique. Symbole de l’élite parisienne des vingt années de l’entre-deux-guerres, il en a partagé le cosmopolitisme, la versatilité, l’absence de foi, l’exhibitionnisme, l’amour de l’opium, l’excitation pour l’exotisme dans l’art. Et il a transposé tout cela dans sa production artistique. Tantôt célébré, tantôt détruit par la presse, il a dominé la scène artistique de toute l’Europe tout au long du XXe siècle[1]. En témoignent les études sur sa réception qui ont été réalisées pour la France, la Belgique, l’Italie, l’Allemagne et même l’Égypte, la Turquie et le Liban[2]. Jusqu’à très récemment[3], il existait cependant une lacune surprenante dans la recherche sur la réception de l’œuvre de Cocteau, celle qui concerne la Grande-Bretagne. Cette absence pourrait s’expliquer par le fait que la plupart des universitaires qui étudient Jean Cocteau soient francophones. Leur maîtrise limitée de l’anglais pourrait avoir entravé l’analyse systématique des articles parus dans la presse britannique. L’absence d’une étude complète sur la réception de Jean Cocteau aux États-Unis renforce d’ailleurs cet argument. C’est précisément dans ce contexte que mon travail trouve sa place.
Pour vraiment capter la nature multidimensionnelle de l’œuvre de Cocteau, il faut dépasser l’analyse restreinte de sa vie personnelle ou de ses créations artistiques. Il est essentiel d’adopter un cadre d’étude et de réflexion global qui transcende les notions préconçues de l’art, des genres et des disciplines. Cocteau repousse constamment les limites, s’engage dans l’expérimentation et alterne aisément entre le classicisme et l’avant-garde. Pour montrer comment son statut social évolue en parallèle avec ses changements de médias artistiques, je commencerai par analyser la biographie de l’auteur. Plus précisément, trois événements qui ont inévitablement façonné sa carrière et sa réception dans la presse britannique : l’admission à l’Académie française, la remise d’un doctorat honorifique à l’Université d’Oxford et la mort de Cocteau. Par la suite, je me concentrerai sur sa production théâtrale et cinématographique. J’explorerai les origines, les processus de production, la distribution et la réception de deux pièces de théâtre, à savoir La Voix Humaine et La Machine Infernale, et de deux films, Orphée et Le Testament d’Orphée. J’ai choisi ces œuvres pour plusieurs raisons. Comme elles font partie des créations les plus connues de Cocteau, elles ont entraîné une couverture médiatique étendue en Angleterre. Les nombreuses reprises de ces pièces et projections de ces films ont généré toute une série de critiques fournissant le matériau brut pour mon analyse. De plus, ces œuvres sont représentatives de la production artistique de Cocteau, témoignant de manière éloquente de sa vision créative.
Afin de retracer la réception de Cocteau dans la presse britannique, j’ai sélectionné des journaux et magazines britanniques où la vie et la production artistique de Cocteau sont largement et profondément abordées, en l’occurrence The Times, The Guardian, The Daily Telegraph, The Observer, The Stage et Sight & Sound. Comme on peut le remarquer, deux types de périodiques ont été choisis : les journaux nationaux et les magazines spécialisés. Parmi les quotidiens nationaux The Times, The Daily Telegraph et The Guardian qui opèrent à partir de Londres, les deux premiers sont considérés comme conservateurs et de centre-droite, tandis que le dernier est de centre-gauche. Quant à The Observer, c’est un hebdomadaire britannique paraissant le dimanche qui sert de publication sœur à The Guardian. Enfin, parmi les magazines spécialisés The Stage et Sight & Sound, le premier opère dans le domaine du théâtre, le second dans celui du cinéma. Les périodiques choisis sont donc soit des grands journaux britanniques, avec une réputation nationale et internationale bien connue et une large diffusion, soit des magazines lus par des experts et des passionnés d’un secteur artistique spécifique.
Cette sélection offre de nombreux avantages. Tout d’abord, elle ne se restreint pas à une seule faction politique. En sélectionnant des articles provenant de journaux de centre-droit et de centre-gauche, une représentation équilibrée des idées est garantie, filtrant les jugements de valeur fortement politisés. De plus, l’accès à des magazines spécialisés dans le domaine permet de prendre en compte les réactions de critiques plus impartiaux, dont la principale préoccupation est de fournir une description précise de la production artistique. Enfin, cette approche permet d’examiner les réponses d’un lectorat diversifié, englobant à la fois les citoyens standards qui parcourent les rubriques des actualités et de la culture d’un journal et les experts qui s’investissent dans des magazines spécialisés en raison de leur intérêt sincère pour le sujet.
Ainsi conçue, mon évaluation de l’impact et de l’influence de Cocteau devrait m’aider à mettre en lumière la reconnaissance significative qu’il reçoit en tant qu’individu et en tant qu’artiste dans le paysage culturel britannique. Mais en parcourant des articles discutant de la personnalité et des contributions artistiques de Cocteau, mon objectif est aussi de discerner s’il est également considéré comme un génie polyvalent en Grande-Bretagne et de découvrir tout aspect distinctif dans sa réception dans le contexte britannique.
Qui est Jean Cocteau ?
Comme mentionné précédemment je me concentre sur les événements qui ont été largement rapportés et examinés dans la presse britannique : sa candidature et son admission à l’Académie française en 1955, l’attribution du doctorat honoris causa à Oxford en 1956 et sa mort en 1963.
Candidature et admission à l’Académie française en 1955
L’élection de Jean Cocteau à l’Académie française qui a eu lieu le 3 mars 1955 a été rapportée par tous les grands journaux de l’époque : The Times, The Guardian et The Daily Telegraph. Dans un article du Times du 8 janvier 1955[4], Cocteau est défini comme un écrivain qui ne vieillit jamais aux yeux du public et qui se renouvelle chaque année. Les contemporains sont surpris toutefois par la décision de ce modèle d’anticonformisme d’avoir accepté de faire partie de l’association conformiste française par excellence, même si dans sa carrière, il a presque toujours déjoué les attentes. Extrêmement versatile (poésie, film, théâtre, ballets …), il n’y a rien chez Cocteau de l’académicien traditionnel, réticent et immortel. Pourtant, poursuit le critique, à plus de soixante ans, il a donc compris que l’immortalité vient de l’appartenance à une certaine institution.
L’article du Guardian du 4 mars 1955[5] est plus riche en détails, mais les thèmes sous-jacents sont les mêmes. Si Cocteau a eu une carrière pleine des surprises, la chose la plus surprenante est qu’il ait rejoint cet illustre institut. Il a été associé pourtant à des nombreuses personnalités qui choquaient les personnalités, comme Stravinsky, Auric, Satie et Picasso. Même si Les Parents Terribles ont été jugés scandaleux et retirés des théâtres de Paris, le journaliste anglais considère toutefois que Cocteau, comme styliste et comme dessinateur, s’est maintenu dans la grande tradition classique française.
The Guardian consacre un second article à cet événement le 21 octobre 1955[6]. Cette fois, le journaliste se concentre sur le discours prononcé par l’auteur lors de l’acceptation de la distinction. Après avoir rappelé les noms de ses prédécesseurs dans le fauteuil auquel il a succédé (dont l’abbé Sieyès, Edmond Rostand, Joseph Bédier, enfin Jérôme Tharaud) il se compare à un acrobate debout sur une pile de chaises, où même les muets se roulaient conformément à la pratique établie du cirque. Cocteau souligne que ses confrères ont laissé venir s’asseoir à leur table un homme qui n’a ni passé, ni papiers d’identité, ni domicile fixe. Ils ont procuré un lieu de repos à un vagabond. Cocteau n’avait jamais mis les pieds dans l’Institut. On peut donc se demander à juste titre ce qui l’a poussé à postuler à l’Académie française. C’était par réaction au conformisme anticonformiste de la jeunesse. Il s’était bouché les oreilles comme Ulysse, mais ce n’était pas pour empêcher les chants des sirènes d’entrer, mais plutôt pour les faire entrer afin de les diffuser ensuite dans le monde. Il se souvenait des paroles du jeune romancier Radiguet, mort avant ses vingt ans, selon lesquelles l’originalité consistait à essayer de faire comme tout le monde et à échouer. Il espère que l’académie protégera tous ceux qui sont suspects d’individualisme et rêve que ses portes soient toujours ouvertes au singulier persécuté par le pluriel.
The Daily Telegraph ne fait que rapporter la nouvelle de l’élection le 4 mars 1955, alors que l’article du 21 octobre 1955 présente des similitudes évidentes avec l’article du Guardian du même jour[7]. Il contient également le discours d’acceptation de l’auteur, discours qualifié d’extravagant. Une fois encore, le journaliste rappelle son aveu qu’il n’a jamais mis les pieds dans l’institution et qu’il l’a imaginée comme une grotte sous-marine habitée par 40 sirènes à la voix mélodieuse. Et qu’il souhaite que l’académie protège les personnes suspectées d’individualisme. On évoque aussi l’intervention d’André Maurois qui salue M. Cocteau en déclarant que le « Nouveau Immortel » a eu un impact significatif en brisant les normes traditionnelles. Maurois mentionne également que la raison de l’élection de Cocteau est liée à ses capacités exceptionnelles, que les électeurs apprécient.
La longueur des articles ne diffère pas significativement. Cependant, ce qui est intéressant, c’est que l’article du Times se trouve à la page sept, dans la rubrique des nouvelles générales, tandis que ceux du Guardian et du Daily Telegraph sont en première page. Comme les articles de première page se concentrent sur des histoires captivantes visant à attirer l’attention du lecteur, je peux en déduire que la nouvelle de l’acceptation de Cocteau à l’Académie française revêt une importance considérable pour ces journaux.
Doctorat Honoris Causa à Oxford en 1956
Jean Cocteau a reçu le doctorat honoris causa de l’Université d’Oxford le 12 juin 1956. Le lendemain, The Times, The Guardian et The Daily Telegraph ont chacun rapporté la nouvelle, mais en des termes très similaires[8]. Tous les articles se trouvent également à la page six et ont la même longueur. Lors de l’événement, l’Orateur public présente Cocteau comme un artiste polyvalent ayant publié des œuvres sous diverses formes telles que la poésie, la fiction, les essais critiques, les dessins, les ballets, les pièces de théâtre et les films. Son objectif principal est d’offrir une expérience tout aussi satisfaisante pour les yeux, les oreilles et l’esprit, plaisant aux neuf Muses. Selon les journalistes, ce qui a conduit Cocteau à contribuer à la dixième Muse, le cinéma, repose sur l’idée que les pensées irréelles peuvent prendre forme, les faisant paraître réelles. Le travail de Cocteau est caractérisé de façon typique par la presse à travers des éléments inattendus et non pertinents, conformément à l’instruction qu’il avait reçue jadis de Diaghilev de « l’étonner ! ». Enfin, Cocteau est qualifié de Parisien des Parisiens. The Daily Telegraph décrit également ce qui s’est passé après la cérémonie : à l’entrée du théâtre, Cocteau étant entouré de personnes cherchant à obtenir son autographe et de photographes amateurs pendant plus de quinze minutes.
En comparant le traitement de cet événement avec son entrée à l’Académie française, j’ai noté que le ton est sensiblement le même. Cocteau est un génie éclectique et multifacette qui a touché à tous les arts et ne fait jamais ce qu’on attend de lui, ni dans sa vie privée ni dans sa carrière.
Cependant, son élection à l’Académie Française a fait beaucoup plus de bruit que son doctorat honorifique. Jamais, à cette deuxième occasion, un journaliste ne s’est demandé pourquoi un artiste aussi anticonformiste que Cocteau avait accepté un honneur aussi traditionnel. Probablement, la raison pour laquelle ce deuxième événement est passé davantage « sous le radar » que le précédent est que Cocteau a maintenant accepté de se conformer au statu quo de sa condition. Son entrée à l’Académie Française (on s’en souvient, considérée comme un acte subversif de l’auteur) a été l’événement inaugural de la remise de son doctorat. Il a accepté désormais l’immortalité sous le signe de la tradition.
La mort du poète
L’article du Times consacré à la mort de Cocteau (survenue le 11 octobre 1963) est extrêmement long et développé, et retrace les moments forts de sa carrière[9]. Cocteau est défini non seulement comme l’une des figures les plus éminentes de la vie intellectuelle française, mais aussi comme un phénomène unique sur la scène artistique du vingtième siècle. Poète, romancier, dramaturge, cinéaste, critique, designer, il s’est investi dans tout ce qui touche aux arts. Il était considéré par beaucoup comme une figure espiègle et imprévisible, et il adorait cette réputation. Il surprenait et impressionnait continuellement les gens en s’attaquant à de nouvelles tâches et en innovant dans les anciennes conventions.
Le journaliste est cependant assez critique envers l’auteur : il affirme que la polyvalence de Cocteau a souvent joué contre lui, car il était critiqué par certains pour n’approfondir suffisamment aucun de ses nombreux talents. Il était un écrivain, un réalisateur et un designer doué, mais son manque de concentration l’a empêché d’atteindre une véritable grandeur dans un domaine particulier. Le journaliste ajoute que, que cette perspective soit exacte ou non, il reste à voir, mais il est déjà clair que Cocteau était, à tout le moins, un grand cinéaste.
L’impact que Diaghilev a eu sur Cocteau est une fois de plus rappelé. Lorsque ce dernier a demandé à Diaghilev s’il le considérait comme un poète, celui-ci aurait répondu « Etonnez-moi ! » Depuis ce moment, Cocteau s’est efforcé d’étonner.
Selon le journaliste, Cocteau incarnait clairement le Paris sophistiqué de l’entre-deux-guerres, de 1919 à 1939, autant dans sa vie personnelle que dans ses œuvres littéraires. Il partageait son cosmopolitisme, sa polyvalence, son manque de foi, son exhibitionnisme, son goût pour l’opium et son appétit insatiable pour l’excitation et l’art nouveau. Il a transformé tout cela en littérature. Il a créé des tendances non seulement dans la mode, mais aussi dans le divertissement. Il prétendait écrire dans un état « semi-somnolent », ce qui le rendait à la mode puisqu’il était à la frontière du surréalisme. Après avoir lu Rimbaud dans sa jeunesse, il a découvert et apprécié Guillaume Apollinaire et Max Jacob. Sa poésie se caractérisait par des rimes internes, des jeux de mots astucieux, des allusions privées et des paradoxes. Il écrivait non seulement de la poésie et des pièces de théâtre, mais aussi des romans et des essais critiques.
Cocteau était impliqué dans de nombreuses activités artistiques, y compris le ballet et la création d’illustrations pour ses propres livres et ceux des autres. Il insistait pour qualifier toutes ses œuvres de poésie, qu’elles adoptent la forme de poésie critique, de poésie dramatique ou même de prose poétique, bien que la poésie traditionnelle soit restée un axe central tout au long de sa carrière. Ses pièces étaient particulièrement diversifiées, allant des tragédies mythologiques, comme La Machine Infernale, à de nombreuses pièces en un acte, dont le célèbre monodrame La Voix Humaine. Cocteau était fasciné par l’idée de l’artiste comme magicien, ce qui l’a conduit à réaliser en 1930 son premier film, Le Sang d’un Poète. Il a ensuite produit en 1949 Orphée, son chef-d’œuvre cinématographique. C’est un film créé avec un grand niveau de confiance et une maîtrise artistique importante, utilisant toutes les techniques du cinéma moderne pour incarner parfaitement l’obsession principale de Cocteau tout au long de sa carrière : la relation inséparable entre l’amour et la mort. L’histoire traite d’un poète qui a perdu son inspiration et d’une princesse mystérieuse qui incarne sa propre mort personnelle. Cocteau a déclaré qu’Orphée serait son dernier film, mais il a brisé sa résolution une décennie plus tard pour un épilogue ludique et ironique, Le Testament d’Orphée, dans lequel il a joué le personnage principal. Si, dans toutes ses œuvres, Cocteau a réussi à refléter sa propre personnalité et ses traits distinctifs, le journaliste conclut que son talent unique pour la conversation sera le plus vivement rappelé par ceux qui l’ont connu.
La longueur de la description et ce léger cynisme lié au fait que l’œuvre de Cocteau peut résister à l’épreuve du temps se retrouvent également dans l’article paru dans le Guardian[10]. Cocteau est à nouveau dépeint comme un génie polyvalent, avec toute sa carrière méticuleusement documentée. Il excelle en tant que poète, romancier, dramaturge, essayiste, cinéaste, critique d’art et de musique, et décorateur. Avec une éthique de travail inébranlable et une élégance indomptable, il a ébloui les cercles littéraires, artistiques et sociaux français pendant plus de cinquante ans, et il faudra du temps pour différencier les œuvres durables de celles simplement brillantes. Né dans le monde chic et glamour de la littérature parisienne, Cocteau a travaillé dans la propagande pendant la guerre et est revenu à ses intérêts au fur et à mesure de l’évolution du conflit. Tout au long de sa vie, il est resté profondément impliqué dans le théâtre, la musique, le ballet, et à la fin des années 1920, il s’est intéressé au cinéma.
Le journaliste relate à nouveau l’anecdote de l’article précédent sur son élection à l’Académie française, selon laquelle sa pièce Les Parents Terribles a provoqué un scandale dans les cercles respectables et a dû être retirée du théâtre municipal où elle venait d’être créée. Il rappelle également ce moment marquant de sa carrière après la guerre, lorsqu’il est devenu membre de la communauté des écrivains et artistes établis en étant élu à l’Académie française. En choisissant librement de postuler, il a abandonné son statut d’avant-garde et en est revenu au classicisme.
Contrairement aux articles précédents, celui du Daily Telegraph est beaucoup plus concis et plus sévère[11]. Libéré toute sa vie des soucis financiers, Cocteau a suivi ses inclinations. Il a commencé comme un enfant prodige et a été salué à maturité comme « l’homme le plus intelligent d’Europe ». Il a constamment vécu sous les projecteurs, et ses réalisations ont été continuellement acclamées. Cependant, il est douteux que l’une de ses œuvres ait une valeur permanente, car il a prodigieusement dissipé ses talents brillants. Seule une brève mention est faite de son élection à l’Académie française et de son Doctorat Honoris Causa.
Tous les articles se trouvent dans la rubrique des actualités générales : The Times le publie en page dix, The Guardian en page sept et The Daily Telegraph en page dix. Ils jouxtent tous également la nouvelle de la mort d’Édith Piaf, une autre grande protagoniste de la scène culturelle de cette époque.
En résumé, les articles sont des morceaux journalistiques secs qui retracent simplement la vie et la carrière de l’auteur. De plus, avec une ironie mordante, ils expriment un certain scepticisme quant à la capacité des œuvres de Cocteau à survivre à leur auteur. Accusé d’être trop dispersif, sa polyvalence est perçue négativement. Il a touché certes à de nombreux arts, mais sans exceller dans aucun.
Le Théâtre
Dans un article très complet publié dans Arts : lettres, spectacles, musique, Gilles Sandier livre un aperçu très intéressant de ce que représente le théâtre pour Jean Cocteau[12]. Il s’agit d’un lieu hanté. Sur la scène, le « poète du théâtre » ne sait jamais quel masque apparaîtra, quelle forme émergera de ses mains. Lieu de mirage et de métamorphose, le théâtre est un mensonge qui dit toujours la vérité. De cet étrange appareil peut en effet sortir n’importe quoi. Ce qui est essentiel, ce qui fait que le fantôme de Cocteau ne cesse de rôder sur nos scènes, même si ses œuvres sont moins souvent jouées que d’autres, c’est que le théâtre, tout au long de sa vie, a été son propre espace : il a compris le lieu théâtral, il l’a saisi, il l’a vécu : le lieu de toutes les opérations possibles, l’opération magique du geste et de la parole, un lieu hanté, un lieu clos.
Jean Cocteau est l’un de ceux qui ont aidé le théâtre d’aujourd’hui à briser les chaînes dans lesquelles la psychologie, les beaux discours et la rhétorique rassurante le tenaient. Il a contribué à lui rendre sa fonction d’espace magique, où la réalité du monde, ainsi que la parole et le geste humains, s’avèrent obéir à d’autres lois que celles que nous pensons, contenir d’autres significations ou viser d’autres fins.
La Voix humaine
La Voix humaine est un exemple frappant de l’éclectisme de Cocteau : proche de l’avant-garde, certes, mais présentant cette pièce à la très classique Comédie-Française. Sans surprise, cela a fait sensation : il était quelque peu inattendu qu’un poète associé à l’avant-garde voie son œuvre présentée dans un théâtre aussi traditionnel et conservateur. Certains y voyaient une tentative de rendre l’avant-garde plus connue au grand public ou un signe que le poète devenait plus conventionnel, tandis que d’autres anticipaient en affirmant que le poète introduirait des éléments scandaleux et innovants à la Comédie-Française[13].
Le 19 février 1930, sa « première » à Paris est critiquée par le correspondant parisien de la rubrique culture du Times[14]. Et c’est à ce moment-là que l’on remarque clairement comment la presse veut à tout prix catégoriser Cocteau, le réduisant à une seule et unique étiquette bien définie. Selon le journaliste, le fait que la Comédie-Française ait accepté de jouer une pièce écrite par Cocteau a suscité des pensées troublantes tant chez le public du théâtre que chez les partisans et les compagnons de l’écrivain. Même si Cocteau n’a peut-être pas été complètement à la hauteur de l’éclat extraordinaire qu’il avait montré dans sa jeunesse, il conserve encore l’admiration de ses pairs, à l’exception de quelques individus, et parvient à impressionner les jeunes générations. Il est difficile de savoir si sa décision de travailler pour une institution traditionnelle signifie qu’il a renoncé à son indépendance artistique et visé la reconnaissance prestigieuse à l’Institut, ou si la Comédie-Française a simplement décidé d’ajouter une pièce remarquable à leur collection.
Selon le journaliste, le talent de Cocteau est évident dans ce monologue de 40 minutes livré par une femme en chemise de nuit au téléphone. Ses contemporains le reconnaissent comme un autre exemple de sa remarquable polyvalence. Le monologue est entièrement dépourvu de tout ce qui pourrait être inconnu ou dérangeant même pour les spectateurs les plus sensibles et il n’y a aucun moment ennuyeux ou insignifiant. Cocteau y dépeint une femme qui est encore amoureuse mais n’est plus aimée, et sa douleur est la seule chose qui est transmise. Au fur et à mesure que le monologue progresse, nous découvrons que son amant l’a quittée deux jours auparavant, et qu’elle a tenté de se suicider. Elle l’appelle pour lui dire adieu, et la conversation, fréquemment perturbée par la négligence de l’échange téléphonique, révèle toute l’étendue de sa douleur et de son angoisse causées par son abandon.
Pour comprendre l’intention de Cocteau, il faut accepter la nature invraisemblable de la situation sans objection. L’utilisation d’une convention, telle qu’un soliloque, est nécessaire pour exprimer pleinement une grande douleur sur scène. Cocteau a simplement ajouté une touche moderne à cette convention en utilisant le téléphone. Selon le journaliste, Berthe Bovy a joué le rôle avec une sincérité apparente, bien qu’elle ait tendance à exagérer inutilement sa peine.
Une fois la pièce jouée en Angleterre le 18 juillet 1938, The Times souligne encore plus le fait qu’il n’y avait rien de choquant[15]. L’intention de Cocteau était de plonger le public profondément dans la psyché de la femme à travers un soliloque et, si l’utilisation d’un téléphone pour s’exprimer n’était qu’une adaptation contemporaine d’un dispositif théâtral ancien, dans l’ensemble ce choix s’est avéré bénéfique. Bien que nous n’apprenions pas grand-chose sur l’amant de la femme à l’autre bout du fil, à la fin du monologue, la femme a exprimé tous les aspects de sa souffrance, laissant une impression frappante d’une personnalité capable à la fois d’un bonheur extrême et d’un désespoir suicidaire. Le fait que nous soyons agacés en tant que spectateurs par les interruptions fréquentes de l’opératrice téléphonique, qui sont destinées à atténuer la tension, est peut-être un témoignage de l’efficacité de la pièce.
La performance de Beatrix Lehmann l’a conduite au triomphe. Cette pièce longue et émotionnellement chargée peut retenir l’attention du public tout au long de son déroulement, et aucun élément sentimental ne nuit au produit fini. Il est même possible de ressentir un certain degré de compassion pour l’amant absent à l’autre bout du fil. Bien qu’il soit probablement indigne du tempérament intense et fervent de la femme, il est possible qu’il ait pris une décision sage en choisissant d’échanger l’amour passionné contre une vie confortable et stable, compte tenu de ses propres limites.
En parcourant les critiques dans The Stage, le résultat est encore plus surprenant[16]. The Stage, tout comme The Times, critique la première parisienne. Le 27 février 1930, la pièce est décrite comme non originale et bien trop longue. Après une demi-heure (car le monologue dure effectivement une demi-heure), les lamentations de la femme deviennent intolérables, ce qui entraîne chez les spectateurs la même frustration que l’amant infidèle à l’autre bout du fil doit ressentir. Mais le 2 octobre 1930, lorsque la pièce est jouée en Angleterre, le monologue est considéré comme un exemple exceptionnel dans son genre. Il possède un niveau de puissance et d’impact supérieur aux œuvres similaires typiques. L’actrice principale exprime une gamme d’émotions variée, faisant preuve de sincérité et de charme. La conclusion est triste, avec le rideau qui tombe alors qu’elle reste immobile, la tête baissée au pied du lit. Dans l’ensemble, la performance a été exécutée avec une remarquable habileté et précision.
Malgré le court laps de temps entre les deux représentations, il est clair que le changement de lieu, de la France à la Grande-Bretagne, a significativement influencé la perception de la pièce. Alors que l’article de février se trouve en page six et présente les créations récentes, y compris celles venant de l’étranger, l’article d’octobre figure à la page dix-sept, regroupé avec d’autres critiques de représentations ayant eu lieu en Angleterre. De plus, en Angleterre, le rôle principal est joué par l’actrice anglaise Barbara Couper. Il est possible que le fait que la pièce soit mise en scène en Angleterre, avec une distribution locale, ait influencé le critique à être plus indulgent. Malheureusement, comme aucun des articles n’est signé, il est impossible de savoir s’ils ont été écrits par le même auteur.
La Machine infernale
La Machine infernale est l’adaptation libre du mythe d’Œdipe, présentée pour la première fois le 10 avril 1934 à la Comédie des Champs-Élysées. Les premiers comptes rendus de la pièce paraissent dans la rubrique culture du Times les 22 janvier et 26 mars 1935[17]. Tandis que le premier article n’est pas exclusivement consacré à la pièce de Cocteau, mais fournit plutôt le calendrier de la saison théâtrale de la Stage Society avec de brèves descriptions des œuvres, le second présente une analyse approfondie de La Machine infernale.
Dans le premier article, le journaliste rappelle que Cocteau était autrefois perçu comme une figure dominante et décadente du monde littéraire, aimant provoquer des ondes de choc par ses éclats périodiques. Cependant, dans La Machine infernale, il apparaît désormais comme un artisan habile et créatif qui reçoit des éloges universels, tandis que son esprit révolutionnaire audacieux semble être en sommeil. Dans le second article, l’adaptation de l’histoire d’Œdipe par Cocteau reçoit le reproche de ne pas posséder le ton sérieux et autoritaire d’un véritable chef-d’œuvre. Autant en Angleterre qu’à Paris, la pièce ne fait qu’user de son sujet comme un jouet à la mode, ce qui affaiblit la tragédie par une ornementation excessive. En d’autres termes, le style peut paraître affecté, suggérant que Cocteau oublie qu’il est un artiste contemporain, pas un artiste classique. Néanmoins, le commentaire ironique de la pièce est astucieux et facile à comprendre, et tout le drame est illuminé par la perspective unique du dramaturge, donnant au public l’impression de s’engager avec un esprit intelligent et indépendant.
La Machine infernale est jouée de nouveau 25 ans plus tard (le 24 novembre 1960) par le Third Programme, une station de la BBC qui propose de la musique classique, du théâtre sérieux, de la littérature et des discussions[18]. En passant en revue cette adaptation dans la rubrique culture, le journaliste du Times affirme que Cocteau perçoit l’histoire d’Œdipe différemment de Freud. L’interprétation freudienne du mythe d’Œdipe explore les recoins les plus sombres de la conscience humaine mais, sans son existence, le récit qu’en fait la pièce devient d’autant plus distant et absurde. Cocteau voit en Œdipe une victime malheureuse du destin n’ayant aucun contrôle sur ses actions et considère par conséquent la fable d’Œdipe comme une allégorie du concept de déterminisme implacable plutôt que comme un outil d’analyse psychologique. La Machine infernale de Cocteau donne vie à des figures légendaires et leur confère vitalité et éloquence. Il y a de nombreuses scènes impressionnantes, des moments brillants et perspicaces et une compréhension claire du résultat escompté. Cependant, selon le journaliste, il reste incertain si cette vision devient réellement une réalité. L’Œdipe de Cocteau accepte sa chute avec une nonchalance confiante, ce qui est le point central de la pièce. Le fantôme du père assassiné ne parvient pas à communiquer efficacement son désir de sauver la mère en danger dans le premier acte. Cela donne lieu à une Jocaste superficielle, qui n’a pas de rôle significatif dans la pièce. Au lieu d’être dépeinte comme un personnage complet, elle semble être deux personnes différentes à la fois, ce qui nuit à l’efficacité générale et à l’esprit de la pièce. À partir de l’acte II, lorsque Œdipe entre en scène, il y a une amélioration notable de la cohérence de l’intrigue, qui est exécutée avec une intelligence fascinante. Cependant, malgré cette amélioration, un sentiment d’insatisfaction subsiste car les événements et les dialogues éloquents semblent finalement sans conséquence. Le journaliste conclut que l’auteur construit un drame fabriqué parce que, sans libre arbitre, le drame n’est qu’un concept vide, mais aussi qu’il lui manque un sens de l’ironie suffisamment puissant qui justifierait son approche de l’histoire. Il accepte en effet l’auto-évaluation de ses personnages sans aucune analyse critique, comme s’ils n’étaient que des marionnettes.
Autant The Observer que The Daily Telegraph livrent des critiques peu favorables[19]. Le premier article figure dans la rubrique culture, le second dans la rubrique actualités, mais alors que le premier est long, structuré et bien argumenté, le second se présente comme un court texte encadré de quelques lignes et manquant de profondeur.
Dans son compte rendu du 8 septembre 1940, The Observer critique la crédibilité du mythe lui-même, et note que la version de Cocteau n’a pas généré beaucoup d’excitation. Les soldats grecs, qui pourraient être des gardes modernes, sont divertissants pendant un moment, et les personnages du Sphinx et de Jocaste sont dépeints comme vivants et joyeux, mais la trajectoire de Jocaste vers l’échec est lente. Bien qu’Œdipe avance rapidement sur la route de Delphes, on ne peut pas en dire autant pour la pièce de Cocteau.
Le compte rendu du Daily Telegraph du 5 février 1945 part du constat que l’histoire d’Œdipe offre de nombreuses possibilités pour une dramatisation moderne, mais que Cocteau n’a pas tiré parti de l’approche la plus prometteuse. Le poète dramaturge se voit reprocher de ne pas avoir exploré les actions des personnages à la lumière de la psychologie moderne et d’avoir préféré imposer des situations shakespeariennes à une intrigue grecque. De plus, la caractérisation rappelle les modèles classiques français. Cependant, le critique félicite Peter Brook, le producteur, pour avoir bien utilisé les ressources limitées, et le jeu d’acteur est jugé satisfaisant. Le critique note enfin que la pièce n’a réussi à être intéressante que lorsqu’elle aurait dû être émouvante.
Dans un autre compte rendu paru dans The Observer du 18 février 1945[20], c’est la production du Chanticleer Theatre qui est louée bien davantage que la pièce elle-même. L’interprétation moderniste du mythe d’Œdipe par Cocteau est décrite comme une entreprise prétentieuse, la mise en scène de M. Peter Brook masquant les prétentions de Cocteau avec une ingéniosité fantastique. Brook s’en est bien sorti avec des ressources limitées, et le jeu d’acteur était adéquat, mais le critique estime que la pièce manquait de l’impact émotionnel que le sujet exigeait. Seule la troupe est félicitée pour avoir relevé une myriade de défis.
Pour résumer, les critiques britanniques considèrent Cocteau comme un auteur trop ambitieux et pompeux qui n’a pas réussi à créer des personnages émotionnellement complexes. Leur réaction négative peut être attribuée au sujet. Les scénaristes, auteurs et traducteurs britanniques étaient traditionalistes et préféraient s’en tenir à l’intrigue originale d’Œdipe de Sophocle. En fait, Œdipe occupait une position centrale dans la sphère artistique en raison de la forte influence de la philologie. L’œuvre d’origine constituait dès lors « l’une des tragédies classiques les plus importantes à étudier, enseigner et jouer », un classique considéré comme intouchable[21].
Le Cinéma
Dans un article paru à l’annonce de son décès, Jean-Louis Bory présente Cocteau comme ayant révolutionné l’utilisation de la cinématographie et redéfini le film comme un médium expressif équivalent à l’écriture, même si celui-ci était capable, selon le poète-cinéaste lui-même, de s’aventurer dans des domaines que l’écriture conventionnelle ne peut explorer. Captivé par le potentiel de cette forme d’art, Cocteau a, dès le début de sa carrière, utilisé la caméra comme un outil poétique, au moment où le cinéma n’était pas autant apprécié par le monde littéraire que le théâtre à l’époque[22].
Dans un entretien avec André Fraigneau paru dans Sight & Sound[23], Cocteau avait déjà informé le public anglais de sa vision artistique sur le cinéma. La priorité était de s’assurer que les images d’un film ne soient pas trop fluides, mais plutôt soigneusement opposées, assorties et combinées sans nuire à leur dessein intentionnel et à leur tridimensionnalité. Et même s’il avait découvert dans le cinéma un medium d’expression soumis à des forces extérieures comme les préoccupations financières et la censure, il considérait la réalisation cinématographique comme un sanctuaire pour les artisans, traditionnellement considérés comme l’élite parmi les travailleurs. Sur un plateau de tournage, l’équipe fonctionnait comme un groupe de véritables artisans, capables de réaliser l’impossible grâce à leur ingéniosité et à leur persévérance, même avec des ressources limitées. Cette débrouillardise les aidait à survivre, même si les compétences artisanales traditionnelles disparaissaient progressivement. Telles sont les prémisses de son cinéma que Cocteau dévoile aux spectateurs britanniques au début des années 1950.
Orphée
Se déroulant dans le Paris contemporain, le récit du film Orphée offre une interprétation unique du mythe grec intemporel d’Orphée et Eurydice. Servant de pièce maîtresse à la trilogie orphique de Cocteau, le film forme un ensemble avec Le Sang d’un poète (1930) et Le Testament d’Orphée (1960).
The Times du 27 mai 1950 propose une première critique approfondie du film lors de sa première au cinéma Rialto à Londres[24]. Placé à la page deux de la rubrique des actualités, l’article présente l’œuvre de Jean Cocteau comme une adaptation de légendes à la vie contemporaine qui divise les critiques entre ceux qui trouvent ses idées et techniques novatrices et ceux qui les rejettent comme affectées, décadentes et dénuées de sens. Selon le journaliste, bien qu’Orphée manque d’une qualité poétique intense, il reste représentatif du style caractéristique de Cocteau, se situant entre deux mondes, créant une atmosphère évocatrice, parfois obscure et toujours intrigante. Ses personnages sont préoccupés par la mort, avec un sentiment de destin et de fatalité imminente. Jouant le rôle du poète le plus célèbre de France, Orphée est conduit dans son voyage vers le monde souterrain non seulement par son désir de retrouver sa femme, mais aussi par sa fascination pour la mort. La réussite de Cocteau à piéger ses personnages dans un schéma de destin qu’ils ne peuvent comprendre rend son film visuellement et intellectuellement captivant. Même la Princesse doit subir les conséquences de son ingérence selon un plan dont les origines sont inconnues. La scène la plus remarquable pour le journaliste du Times est le retour d’Orphée dans le monde des vivants, une lutte acharnée contre la roue du destin. La fascination de Cocteau pour le concept de temps est évidente dans son utilisation de symboles, tels que l’image miroir avec la main droite remplaçant la gauche et l’écriture inversée présentée à l’endroit. Ces symboles donnent du sens aux séquences oniriques que Cocteau construit comme un poème en prose.
Le même jour, The Guardian rend compte du film dans sa rubrique des actualités, mais de façon plus enthousiaste que son rival[25]. Dans le monde du cinéma commercial, Cocteau se distingue comme un amoureux persistant de la fantaisie et un champion des films poétiques. Dans Orphée, il a pris un conte légendaire et transformé sa signification tout en restant fidèle à son essence. Contrairement à l’histoire originale, où l’accent porte uniquement sur l’amour d’Orphée pour Eurydice, l’Orphée de Cocteau éprouve aussi un profond amour pour la mort, représentée par une femme tragique. Ce triangle amoureux mène à une conclusion dramatique, où Orphée non seulement récupère sa femme, mais sacrifie aussi ses propres qualités poétiques et nobles. Même si la réinterprétation coctalienne de la légende grecque classique suscite le regret du journaliste, elle sert finalement à mettre en lumière les croyances de l’auteur sur la mort et les vérités intemporelles de la poésie. En conclusion, ce film fait figure d’une œuvre rare et précieuse de fantaisie qui se lit comme un poème à l’écran.
Dans l’édition de l’Observer du 28 mai 1950[26], C.A. Lejeune, correspondant du journal à Paris, va plus loin que son confrère du Guardian en décrivant le film comme un rêve lucide. Selon lui, l’Orphée de Cocteau fait sensation à Londres aussi bien auprès de personnes qui l’adorent que d’autres qui le détestent. Le film l’a laissé excité et captivé, plus que tout autre film vu récemment. Les deux idées récurrentes dans le travail de Cocteau sont le concept du poète comme médium pour la perception extrasensorielle et l’idée d’un mariage entre la vie et la mort. Ces concepts sont entrelacés dans Orphée, aboutissant à un film stimulant, parfois émouvant ou exaspérant. L’utilisation de trucs de caméra et d’autres techniques cinématographiques est étonnante, mais elle est ancrée dans des moments de réalisme contemporain pour maintenir un sens de gravité. Les personnages du film sont moins des individus que des symboles, ce qui peut être déroutant pour les spectateurs. Malgré sa complexité, Lejeune estime qu’Orphée est un film qui vaut la peine d’être vécu.
Sight & Sound consacre plusieurs articles au film entre 1950 et 1953. L’édition de janvier 1950[27] annonce tout d’abord que Cocteau a presque terminé son Orphée, qui aura l’apparence d’un « film policier » avec pour intention de plaire au public, tout en maintenant son style artistique unique. Le journaliste insiste en effet sur la sensation irréaliste qui se dégage d’un film qui a été tourné pourtant dans des décors réalistes, ce qui est typique de la démarche de Cocteau.
En mai 1950[28], le film est étudié dans son intégralité pour la première fois. Les idées générales sont très similaires à celles exprimées dans The Guardian et The Observer : le film véhicule une vision onirique et l’aspect le plus remarquable d’Orphée est sa sincérité. Les émotions et les expériences représentées dans le film sont authentiques et profondément personnelles. Le cinéaste explore la relation entre la connaissance et l’inconnu et a utilisé des symboles et des thèmes orphiques de manière unique. Le film capte le désir d’Orphée de comprendre les mystères du destin. Son voyage à travers les miroirs infinis le conduit dans des royaumes enchantés où il aperçoit brièvement des visions cristallines avant qu’elles ne s’évanouissent. Les mots qu’il entend semblent détenir des réponses mais n’ont finalement aucun sens. Le film dépeint un labyrinthe de choses à la fois familières et inconnues, ainsi que d’innombrables autres images et échos. À travers ce poème cinématographique, les spectateurs peuvent obtenir un aperçu des joies et des peines vécues par un poète.
Deux mois plus tard, Orphée fait l’objet d’un long article détaillant l’intrigue et tentant d’expliquer ses significations cachées. Lambert, le rédacteur de Sight & Sound, couvre d’éloges le poète-cinéaste[29]. Orphée n’offre pas seulement un témoignage de son talent poétique, mais constitue aussi l’un des films les plus captivants et audacieux produits ces dernières années. Cocteau utilise la légende d’Orphée pour explorer l’un de ses thèmes favoris : le conflit esthétique entre la réalité et l’inconnu vécu par un poète. La magie et la légende surgissent d’un monde ordinaire, le rendant d’autant plus captivant. Orphée équilibre avec succès réalité et magie, créant une atmosphère poétique et énigmatique tout en ne perdant jamais de vue son élan dramatique. Cocteau utilise l’appareil du mélodrame avec beaucoup d’effet, remodelant le mythe orphique pour se centrer sur un poète fasciné par la mort et l’invisible. La mort, traditionnellement une force dans la mythologie grecque, est représentée par des figures humaines animées par des désirs et des émotions. L’utilisation par Cocteau de la personnification est cohérente avec la tradition romantique, bien que cela lui ait valu des critiques pour être prétentieux et décadent. Orphée réaffirme une humeur romantique, célébrant l’émerveillement, le rituel et le pouvoir de l’illusion et de la magie dans un cadre contemporain qui rend le mythe plus immédiat et troublant.
Trois ans plus tard, l’écho du film est plus vivant que jamais. Dans l’édition de janvier 1953, Orphée est décrit comme un film d’une grande importance car il transmet le message d’un poète à travers le medium du cinéma avec une efficacité remarquable. Certains critiques l’ont même salué comme la déclaration artistique finale de Cocteau. Cependant, comme le souligne le journaliste, cela soulève des questions sur la stature artistique globale de Cocteau, sur les différentes phases qu’il a traversées et sur les diverses influences qu’il a absorbées et exercées. De plus, des spéculations peuvent être faites sur l’authenticité de sa jeunesse apparemment éternelle. Orphée est remarquable précisément parce qu’il défie une compréhension facile et surprend les spectateurs qui l’abordent avec un désir simpliste de tout comprendre. Son style visionnaire le distingue de tout autre film à l’écran, le rendant ainsi véritablement unique.
En résumé, il est intéressant à noter que le seul article plutôt tiède sur les qualités artistiques d’Orphée et de son créateur a paru dans The Times. C’est le seul à avancer que le film manque d’une qualité poétique intense, tandis que les magazines spécialisés et les journaux généralistes de Grande-Bretagne soulignent exactement le contraire. Les critiques sont toutes plutôt enthousiastes : Cocteau est un grand innovateur parce qu’il a su rendre le cinéma, qui à l’époque était considéré comme un art mineur, poétique. Le mythe est classique, mais l’interprétation est extrêmement moderne et autobiographique. Ce qui importe, ce n’est pas tant l’intrigue, mais le symbolisme et l’onirisme et leur impact sur le public.
Le Testament d’Orphée
Le Testament d’Orphée sort au Royaume-Uni en mai 1960. Comme l’histoire traite de la mort et de la résurrection d’un poète et que Cocteau apparaît lui-même dans le film comme un personnage du XVIIIe siècle déplacé dans le temps et l’espace, le film peut être considéré comme son testament poétique. Lorsqu’une balle voyageant plus vite que la lumière le ramène toutefois au présent, il se retrouve dans un monde crépusculaire étrange, rempli de ruines en décomposition et de vide, parfois ordinaire et parfois grandiose ou mythologique. En se déplaçant dans ce paysage onirique, il rencontre les personnages qu’il a créés, y compris Cégeste d’Orphée. Finalement, il est traduit devant un tribunal, accusé du crime d’innocence et, tout en se défendant du mieux qu’il peut, est condamné à la « prison à vie ».
Le 10 mai 1960, Cocteau est interviewé par The Times pour promouvoir son nouveau film[30]. Le Testament d’Orphée est, d’après lui, la première œuvre qu’il a produite qui ne cause pas de scandale et qui a été faite précisément pour un jeune public. Alors que les personnes âgées ont tendance à être choquées, les jeunes sont très enthousiastes. Le film a été conçu comme un film à petit budget, où les acteurs ont joué en raison de leur amitié et ont été libérés des conventions. Cocteau veut parler à chaque membre du public comme s’il était son meilleur ami, ce qui rend le film, selon le journaliste, inadapté au grand public. Cocteau conclut l’entretien en déclarant qu’il a décidé de se retirer de la scène artistique parce qu’il ne se sent pas pleinement apprécié par le public français et parce que, arrivé à ce stade, il se sent vieux. Il a dit ce qu’il avait à dire. Le Testament est un geste d’adieu, son testament cinématographique, un film sans morale ni histoire, juste une âme. Sa poétique est basée sur la capacité de renaître et de se renouveler par la mort, de renaître de ses cendres.
Le 17 mai 1960, le critique de cinéma du Times consacre un article très positif au Testament d’Orphée[31]. Un nouveau film de Cocteau est toujours un événement dans le monde du cinéma. Le poète est en effet un véritable artiste, un artiste au sens traditionnel du terme tel que celui-ci a été reconnu pendant des siècles dans des arts antérieurs à l’avènement du cinéma. Il s’agit certes d’une affirmation audacieuse, mais, selon le journaliste, Cocteau est un plus grand artiste qu’on ne lui en attribue souvent le mérite. Il a été sous-estimé en raison de sa polyvalence, qui devrait être vue comme une qualité, et parce que son sérieux élevé n’a pas toujours été reconnu à sa juste valeur. Aucun de ses films n’est simple dans le sens où il ne raconte jamais une histoire banale de manière directe. Cocteau est plus intéressé par la libération de l’imagination que par sa limitation, et personne n’interprétera Le Testament d’Orphée de la même manière. Cocteau lui-même décrit le film comme un retour à ses origines cinématographiques. Le Testament d’Orphée s’inspire fortement d’Orphée, mais il est plus proche en esprit du Sang d’un poète, où les images ont la force poétique des mots d’enfants qui demandent un effort personnel d’imagination et de magie. Parfois, Cocteau prend trop de liberté avec la fluidité de la technique choisie et semble défier son public de trouver une signification qui peut ne pas exister. Ses plaisanteries aux dépens des modes actuelles, esthétiques ou autres, sont à la fois spirituelles et inattendues. Le Testament d’Orphée est un film qui nécessite plus d’une vision ; c’est un film avec une âme. Le regarder permet de comprendre, quoique imparfaitement, les convictions et les impulsions qui ont façonné l’œuvre de Cocteau tout au long de sa vie.
Quatre jours plus tard, le critique de cinéma du Guardian critique positivement le film, soulignant une fois de plus le génie de Cocteau[32]. Le Testament d’Orphée est un témoignage du style unique de Cocteau, dans la mesure où le poète raconte l’histoire de sa quête personnelle de vérité et de beauté. Le film présente intentionnellement un récit brouillé, avec Cocteau lui-même apparaissant comme une figure mince et articulée et jouant avec diverses techniques cinématographiques. Il est difficile de discerner dans le film un message clair autre que celui de l’importance de la poésie dans le monde. Bien que le travail de Cocteau puisse être obscur et parfois mélancolique, il est admirable qu’il tente d’exprimer ces mystères poétiques à travers le medium du cinéma. Aucun autre cinéaste n’utilise l’écran de cette manière. Bien que tout le monde ne puisse apprécier l’approche de Cocteau, le journaliste le décrit comme un grand et unique exemple d’un cinéma qui s’ouvre à la fantaisie. Le travail de Cocteau peut ne pas plaire à tout le monde, mais sert d’autant plus à rappeler les possibilités illimitées du film.
The Observer du 22 mai 1960[33] part de la même prémisse que The Times : regarder le nouveau film de Cocteau est toujours un événement incontournable, d’autant plus que, comme l’a annoncé l’auteur lui-même, ce sera son dernier film. Pour C.A. Lejeune, Le Testament d’Orphée offre à la fois un aperçu de la personnalité de l’homme et un témoignage artistique de Cocteau. Il est peu probable que nous en apprenions plus sur le poète cinéaste et sur son talent unique que ce que nous pouvons voir dans ce film, si nous y prêtons attention. Le Testament d’Orphée est un exemple fascinant de ce qu’un artiste avec un courage créatif peut accomplir en utilisant la technique de la caméra en mouvement. Le travail de Cocteau est connu pour ses surprises intentionnelles, qui incluent des effets visuels époustouflants et des moments inattendus d’humour malicieux. Le film est dédié à la jeunesse et bien qu’il aborde la mort, il a une légèreté pareille à une feuille sèche soufflée par le vent d’automne. Constatons enfin que Lejeune a rédigé des comptes rendus pour Orphée et Le Testament d’Orphée, mais qu’en dix ans d’intervalle son admiration pour Cocteau est restée constante et, s’est même renforcée.
Dans l’édition de janvier 1960 de Sight & Sound, le journaliste Derek Prouse est envoyé sur le plateau de tournage et reconstruit de manière presque anecdotique une journée de prises de vue[34]. Si Cocteau qualifie lui-même son film Le Testament d’Orphée de film absurde, c’est à cause d’événements liés entre eux dans une séquence onirique qui manque d’ordre logique. Le film explore les thèmes du voyage dans le temps et l’espace. Cocteau souhaite que le film soit son héritage pour la jeunesse d’aujourd’hui, pour ceux qui sont incompris et dans l’ombre. Orphée symbolise l’héritage du poète qui, âgé de soixante-dix ans, insiste pour réaliser lui-même un plan truqué sans doublure et qui demeure satisfait de l’effet réaliste créé par le technicien. Alors que The Guardian et The Observer ont fourni un bref résumé de l’intrigue, cette critique se concentre sur la relation de Cocteau avec le casting et sur son perfectionnisme, le poète cinéaste étant très impliqué dans la production, apparaissant dans chaque scène, stimulant constamment les acteurs et cherchant à atteindre la perfection.
En résumé, pour la presse britannique, ce film propose le testament de l’un des plus grands cinéastes de la première moitié du XXe siècle, un testament légué en héritage aux générations futures. Libre de conventions et d’hypocrisie, Cocteau a pu donner au cinéma la dignité de l’art en y infusant de la poésie. On peut en déduire que les éloges unanimes adressés dans ces articles ne sont pas seulement liés à la beauté et à la puissance du film lui-même, mais servent aussi à rendre hommage à la carrière d’un grand artiste.
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En récapitulant la réception de Jean Cocteau dans la presse britannique, il est clair que cet artiste polyvalent a suscité des réactions diverses et souvent contrastées. Sa capacité à traverser les disciplines artistiques tout en demeurant fidèle à sa vision unique, lui a valu à la fois des éloges et des critiques.
Lors de son admission à l’Académie française en 1955, la presse britannique, bien qu’étonnée par son choix de rejoindre une institution aussi traditionnelle, a reconnu la singularité de sa carrière et son influence sur la modernité. Les articles du Times, du Guardian et du Daily Telegraph témoignent de l’intérêt soutenu pour sa trajectoire atypique et de l’impact culturel qu’il a eu même au-delà des frontières françaises.
L’attribution du doctorat honoris causa à Oxford en 1956 a renforcé cette image d’un artiste respecté et admiré pour son génie éclectique. Les articles ont unanimement souligné son caractère innovateur et son engagement artistique, tout en adoptant un ton moins sensationnel en comparaison avec sa nomination à l’Académie française.
La mort de Cocteau en 1963 a constitué l’occasion d’un moment de réflexion pour la presse britannique, qui a réévalué son héritage et son influence. Les articles publiés dans The Times, The Guardian et The Daily Telegraph, tout en rendant hommage à son immense contribution aux arts, ont également exprimé des doutes sur la pérennité de son œuvre, critiquant parfois sa dispersion artistique.
En ce qui concerne ses productions théâtrales et cinématographiques, les pièces La Voix Humaine et La Machine Infernale ont été accueillies avec une reconnaissance mitigée, mais généralement positive par leur capacité à réinventer les conventions théâtrales et à apporter une profondeur émotionnelle aux personnages, tout comme ses films Orphée et Le Testament d’Orphée ont été salués pour leur audace artistique et leur vision poétique, consolidant la réputation de Cocteau comme cinéaste innovateur.
En conclusion, la réception de Jean Cocteau en Grande-Bretagne reflète l’ampleur et la complexité de son talent. Bien que souvent perçu comme un artiste excentrique et imprévisible, Cocteau a su marquer durablement le paysage artistique international par son ingéniosité et sa capacité à surprendre et à émouvoir. Son œuvre, traversant les genres et défiant les conventions, continue d’inspirer et de fasciner, confirmant ainsi son statut de véritable génie du XXe siècle.
[1] Claude Arnaud, Jean Cocteau, Paris, Gallimard, 2003.
[2] Christoph Wolter, Jean Cocteau et l’Allemagne, Paris, L’Harmattan, 2007 ; Elena Fermi, « Jean Cocteau et l’Italie », dans David Gullentops (dir.), Cocteau et l’Italie. Démarche d’un poète, Cahiers Jean Cocteau, n°5, 2007, p. 57-69 ; Angie Van Steerthem, La réception du théâtre de Cocteau en Belgique, Bruxelles, VUB, 2001 ; David Gullentops, « La réception de l’œuvre de Jean Cocteau dans la presse francophone égyptienne, turque et libanaise », dans David Gullentops (dir.), Jean Cocteau et l’Orient, Cahiers Jean Cocteau, n°16, 2018, p. 41-71.
[3] Olivier Rauch, Jean Cocteau. Du côté de l’Angleterre et des Anglais, Paris, L’Harmattan, 2024.
[4] « Unexpected Candidate », The Times, 8 janvier 1955. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1955-01-08/7/5.html#start%3D1955-01-08%26end%3D1955-01-09%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1955-01-08%7E1955-01-09/1%26next%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1955-01-08%7E1955-01-09/2 [site consulté le 15 juillet 2024].
[5] « New Blood for Academie. Election of M. Cocteau », The Guardian, 4 mars 1955. En ligne : https://www.newspapers.com/image/259411682/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 15 juillet 2024].
[6] « Cocteau Takes his Place Among the ‘Immortals’. Impassioned Plea for Individualism », The Guardian, 21 octobre 1955. En ligne : https://www.newspapers.com/image/259459467/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 15 juillet 2024].
[7] « M. Cocteau An Immortal. Academy Elections », The Daily Telegraph, 4 mars 1955. En ligne : https://www.newspapers.com/image/825707760/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 15 juillet 2024].
[8] « Honorary Degrees at Oxford. M. Jean Cocteau and M. Jules Blanche », The Times, 13 juin 1956. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1956-06-13/6/7.html#start%3D1956-06-13%26end%3D1956-06-
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14/1%26next%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1956-06-13%7E1956-06-14/2 [site consulté le 15 juillet 2024] ; « Oxford Honours Two Frenchmen. MM. Jean Cocteau and Jules Blache », The Guardian,13 juin 1956. En ligne : https://www.newspapers.com/image/259485018/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 15 juillet 2024] ; « Cocteau at Oxford », The Daily Telegraph, 13 juin 1956. En ligne : https://www.newspapers.com/image/832219702/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 15 juillet 2024] ; « Parisian of Parisians », The Daily Telegraph, 13 juin 1956. En ligne : https://www.newspapers.com/image/832219702/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 15 juillet 2024]. « M. Cocteau Mobbed », The Daily Telegraph, 13 juin 1956). En ligne : https://www.newspapers.com/image/832219702/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 15 juillet 2024].
[9] « M. Jean Cocteau. Talent of Dazzling Versatility », The Times, 12 octobre 1963. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1963-10-12/10/17.html#start%3D1963-10-12%26end%3D1963-10-13%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1963-10-12%7E1963-10-13/1%26next%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1963-10-12%7E1963-10-13/2 [site consulté le 16 juillet 2024].
[10] Darsie Gillie, « Jean Cocteau », The Guardian, 12 octobre 1963. En ligne : https://www.newspapers.com/image/259842749/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 16 juillet 2024].
[11] « Jean Cocteau. Leader in many Fields of Art », The Daily Telegraph, 12 octobre 1963. En ligne :
https://www.newspapers.com/image/833337739/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 16 juillet 2024].
[12] Gilles Sandier, « Homme de théâtre : un montreur d’ombres », Arts: lettres, spectacles, musique, 16-22 octobre 1963, p. 17.
[13] Audrey Garcia, « La Voix humaine, enjeux et réception d’une “audace à rebours” », dans David Gullentops (dir.), Jean Cocteau et le théâtre, Cahiers Jean Cocteau, n°13, 2015, p. 111.
[14] « The Paris Stage. La Voix humaine (from our Own Correspondent) », The Times, 19 février 1930. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1930-02-19/12/2.html#start%3D1930-02-18%26end%3D1930-02-19%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1930-02-18%7E1930-02-19/1 [site consulté le 17 juillet 2024].
[15] « Miss Lehmann in The Human Voice », The Times, 18 juillet 1938. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1938-07-18/10/14.html#start%3D1938-07-18%26end%3D1938-07-19%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1938-07-18%7E1938-07-19/1 [site consulté le 17 juillet 2024].
[16] « La Voix humaine », The Stage, 27 février 1930. En ligne : https://www.britishnewspaperarchive.co.uk/viewer/bl/0001179/19300227/030/0006 [site consulté le 17 juillet 2024].
[17] « The Stage Society. A Play by Mr. Eugene O’Neill », The Times, 22 janvier 1935. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1935-01-22/10/3.html#start%3D1935-01-01%26end%3D1935-12-31%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1935-01-01%7E1935-12-31/1%26prev%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1935-01-01%7E1935-12-31/2%26next%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1935-01-01%7E1935-12-31/4 [site consulté le 17 juillet 2024] ; « The Machine of the Gods by Jean Cocteau. Translated by Allan Wade », The Times, 26 mars 1935. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1935-03-26/14/4.html#start%3D1935-01-01%26end%3D1935-12-31%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1935-01-01%7E1935-12-31/1%26next%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1935-01-01%7E1935-12-31/2 [site consulté le 17 juillet 2024].
[18] « The Unfreudian Oedipus », The Times, 24 novembre 1960. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1960-11-24/8/14.html#start%3D1960-11-24%26end%3D1960-11-25%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1960-11-24%7E1960-11-25/1%26next%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1960-11-24%7E1960-11-25/2 [site consulté le 17 juillet 2024].
[19] « The Infernal Machine by Jean Cocteau. Translated by Carl Wildman », The Observer, 8 septembre 1940. En ligne : https://www.newspapers.com/image/257698608/?terms=The%20Infernal%20Machine&match=1 [site consulté le 17 juillet 2024] ; « Modern Version of Oedipus Plot », The Daily Telegraph, 5 février 1945. En ligne : https://www.newspapers.com/image/832239215/?terms=The%20Infernal%20Machine&match=1 [site consulté le 17 juillet 2024].
[20]« The Infernal Machine », The Observer, 18 février 1945. En ligne : https://www.newspapers.com/image/258688134/?terms=The%20Infernal%20Machine&match=1 [site consulté le 17 juillet 2024].
[21] Ekaterini Nikolarea, « Oedipus the King. A Greek Tragedy, Philosophy, Politics and Philology », Traduction, terminologie et rédaction, vol. 7, n°1, janvier 1994, p. 17.
[22] Jean-Louis Bory, « Cinéaste : il a inventé le cinématographe », Arts : lettres, spectacles, musique, 16-22 octobre 1963, p. 17.
[23] André Fraigneau, « Conversations. Jean Cocteau », Sight & Sound, vol. 7,1952. En ligne : https://archive.org/details/sightandsound?sin=TXT [site consulté le 18 juillet 2024]. Il s’agit d’une traduction d’extraits parus précédemment dans ses Entretiens autour du cinématographe, Paris, André Bonne, 1951.
[24] « Orpheus », The Times, 27 mai 1950. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1950-05-27/2/26.html#start%3D1950-05-27%26end%3D1950-05-28%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1950-05-27%7E1950-05-28/1 [site consulté le 18 juillet 2024].
[25] « New Films in London », The Guardian, 27 mai 1950. En ligne : https://www.newspapers.com/image/259423335/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 18 juillet 2024].
[26] C.A. Lejeune, « The Cocteau Party », The Observer, 28 mai 1950. En ligne : https://www.newspapers.com/image/257818005/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 18 juillet 2024].
[27] « Paris », Sight & Sound, janvier 1950. En ligne : https://archive.org/details/sightandsound?sin=TXT [site consulté le 18 juillet 2024].
[28] « Film Week in Cannes », Sight & Sound, mai 1950. En ligne : https://archive.org/details/sightandsound?sin=TXT [site consulté le 18 juillet 2024].
[29] Gavin Lambert, « Films of the Month. Orphée », Sight & Sound, juillet 1950. En ligne : https://archive.org/details/sightandsound?sin=TXT [site consulté le 18 juillet 2024].
[30] « The Last Film of Jean Cocteau », The Times, 10 mai 1960. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1960-05-10/17/2.html#start%3D1960-01-01%26end%3D1960-12-31%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1960-01-01%7E1960-12-31/1%26next%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1960-01-01%7E1960-12-31/2 [site consulté le 19 juillet 2024].
[31] « Le Testament d’Orphée. A Film with a Soul », The Times, 17 mai 1960. En ligne : https://www.thetimes.co.uk/tto/archive/article/1960-05-17/16/10.html#start%3D1960-01-01%26end%3D1960-12-31%26terms%3Dcocteau%26back%3D/tto/archive/find/cocteau/w:1960-01-01%7E1960-12-31/1%26prev%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1960-01-01%7E1960-12-31/1%26next%3D/tto/archive/frame/goto/cocteau/w:1960-01-01%7E1960-12-31/3 [site consulté le 19 juillet 2024].
[32] « Truth without Tragedy », The Guardian, 21 mai 1960. En ligne : https://www.newspapers.com/image/259437488/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 19 juillet 2024].
[33] C.A. Lejeune, « Cocteau’s Farewell to Orpheus », The Observer, 22 mai 1960. En ligne : https://www.newspapers.com/image/258388141/?terms=Cocteau&match=1 [site consulté le 19 juillet 2024].
[34] Derek Prouse, « Le Testament d’Orphée », Sight & Sound, janvier 1960. En ligne : https://archive.org/details/sightandsound?sin=TXT [site consulté le 19 juillet 2024].